« Traguthao,
yelo, kleo ke paramilo
« Kano tubes poles, se mimume an thes
« M' oti kano
yelun, oli me
« Ma pos eho
karthia, to xerun ke ta pethia
« Clown, clown, ime o clown
« Clown, clown, ime o clown
« Ha ha ha
ha... »
Evidemment, se taper de plein fouet du grec moderne un
lundi matin frisquet d’après le changement d’heure, c’est un peu comme se
gargariser avec des oursins en cas d’angine blanche, faire un schuss olympique
cul nu sur des orties en fleur, s’infuser en 78-tours le dernier album de Christophe
Maé, lire en néerlandais l’ultime opus de Marc Lévy, se fader un Ingmar Bergman
en noir et blanc un dimanche soir brumeux sur la lande écossaise… Une épreuve
douloureuse et contraignante, un moment rude et déplaisant, quelque chose qui
fait pleurer les yeux, trembler les mimines et trembloter la lèvre inférieure
comme le gamin pris le doigt dans le pot de confiture, sachant la sanction
imminente, tente d’amadouer son père en lui offrant un faciès de cocker triste
digne des meilleures mimiques d’Isabelle Aubret, célèbre pour ses yeux qui
pissent…
Surtout
que, connaissant vos goûts d’esthète en matière d’eurovisionneries antiques, il
m’était positivement impossible de soumettre à votre sagacité à peine émoussée
par un week-end débordant de libations en tous genres la fine fleur de ce que
la Grèce avait pu envoyer comme flonflons désuets, merdouilles folkloriques et
complaintes compassées au Concours Eurovision depuis son arrivée en 1974…
C’eut
été un crime de vous offrir le suave et pianistique « Feggari
kalokerino » de 1981, l’inclassable « Olou tou kosmou i elpida »
de 1992 ou l’énergique « Socrates » de 1979 un lundi matin… Voire,
balancer à pleines brassées de l’ambroisie à une usine d’élevage intensif de
cochons…
Il
m’est apparu indispensable de réviser à la baisse mes ambitions artistiques du
lundi en tapant dans le second choix, le déclassé inécoutable, la bouse hellène
de première bourre ; bref, d’aller pêcher dans les profondeurs insondables
de la médiocrité eurovisuelle. Et le « Clown » de 1988, hasardeux
assemblage de pièces musicales finalement totalement indigeste sur des paroles
qui feraient passer un chant martial allemand pour un murmure éthéré de fin de
nuit…
Afroditi
Frida a eu bien du mérite d’avouer à l’audience de l’Eurovision « je peux
chanter, rire, pleurer ou bredouiller, je fais des sauts périlleux, je vous
imite si vous souhaitez »… Mais qu’importe si « les gens rient de
tout ce que je fais, ils m’applaudissent tous » car « même les
enfants savent que j’ai un cœur » puisque « je suis le clown »…
Et de ponctuer cela d’un « ha ha ha ha » proprement terrifiant.
On
savait les clowns risibles et joyeux, on les connaissait beaucoup moins
inquiétants et flippants, à moins d’être des assidus de Stephen King et de son
trouillogène « Ça », l’histoire d’un clown terrifiant…
Les
clowns que j’ai pu croiser ce week-end ne sont pas tous marrants, et cette
tendance à retrouver un peu partout aux quatre coins de notre hexagone (une
belle gageure lorsque l’on a quelque notions de géométrie) des clowns menaçants
me mettrait presque mal à l’aise…
Une
flambée de clowns effrayeurs se propage en France, après la naissance du
phénomène sur Facebook, et notamment dans l’Hérault où c’est presque une
dizaine de plaintes qui a été déposée en l’espace de quelques jours ; le
pompon revenant à ces quatorze adolescents habillés en clown et porteurs de
pistolets, de couteaux et de battes de base-ball qui ont été interpellés samedi
soir sur le parking d'un lycée d'Agde… Va falloir voir à arrêter les clowneries…
Vaine
supplique, qui aura autant d’effet que de faire pipi dans un violon, lorsque
l’on sait qui nous gouverne… Flotte Mec nous avait habitué à endosser les
habits du clown blanc dès qu’il devait faire montre d’un iota de sérieux, ceux
de l’Auguste quand il en vient à nous ressasser ses promesses électorales,
voire ceux du contre-pitre quand il prononce un discours en extérieur… Il
endosse ceux assez inédits du clown autiste face aux mises en garde européennes
en martelant qu’il maintiendra sa stratégie budgétaire, ou encore après
l’annonce des cataclysmiques chiffres du chômage.
On
peut dire ce que l’on veut de Pépère, critiquer à l’envi sa cravate de
traviole, ses costumes boudinés qui risquent d’exploser avec une inspiration un
peu trop profonde, sa teinture brou de noix et sa terrine de crétin des alpes
consanguin, mais on ne peut lui enlever qu’il a effectivement inversé la courbe
du chômage… De tranquillette courbe ascendante, il en a fait une fusée
exponentielle qui crève tous les records mois après mois…
Clowneries
encore avec la Ministre de la Culture, Fleur Pellerin, qui s’est largement
ridiculisée sur le plateau d’une émission de Canal +. Interrogée sur ses
rencontres les plus extraordinaires, la bridée vicieuse a voulu se faire
mousser en citant Patrick Modiano, rencontré au cours d’un déjeuner
« formidable » au cours duquel elle a « beaucoup rigolé »,
mais elle s’est révélée incapable de citer un seul titre de livre de notre Prix
Nobel… Pour une Ministre de la Culture, ça la fout mal, même si la jolie Fleur
dans une peau de vache confesse « ne plus du tout avoir le temps de lire
depuis deux ans », décrochant du même coup le Prix Nobel de l’excuse la
plus foireuse de l’année…
Et
je me fais clown triste pour vous annoncer le décès à l’âge de 87 ans d’Antoine
Berge, joueur de pipeau, architecte de formation et maire de Fourneville de
1977 à 1995. Il avait enregistré en novembre 1962 une mélodie triste,
lancinante et nostalgique, à jamais gravée dans l'imaginaire d'une génération
entière d'enfants : celle de la série Bonne nuit les Petits…
Pas
de place pour les clowneries dans l’anniversaire du jour, puisque c’est le
27octobre 1978 qu’est décerné le Prix Nobel de la Paix à Menahem Begin et à
Anouar El-Sadate, pour les négociations de paix entre l’Egypte et Israël, un
double Prix contesté en raison notamment du passé des lauréats et de leur
politique en contradiction avec la définition du prix. De là à dire que les
lauréats sont des clowns…
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