« Un jour se lèvera,
« Sur trois branches de lilas,
« Qu’un enfant regardera
« Comme un livre d’images… »
Oui, je sais que le Concours Eurovision de la Chanson est un
intarrissable réservoir à cucuteries mièvres et lénitives sur les plaisirs ou
les déceptions de l’amour, la beauté des jonquilles, des flocons de neige et de
toutes ces petites choses qui font la joie de nos jours et le soleil nocturnes
des satisfactions de la vie…
Non, non, les auteurs-compositeurs eurovisuels ne se
droguent pas, ne fument pas des cigarettes roulées à la main et qui font rire
bêtement dès qu’on a tiré une ou deux taffes… Enfin, pas plus que les autres…
Oui, les paroles certes imaginatives de « Un jour, un
enfant » qui permit de faire triompher la France au Grand Prix 1969
par la voix de Frida Boccara étaient déjà démodées à l’époque…
Alors, imaginez aujourd’hui ce que ça donnerait…
« Un jour se lèvera
« Sur trois barques de migrants
« Et un enfant, Aylan, noyé,
« Comme terrible image… »
Dussé-je attenter à l’innocence volée de ce petit syrien
dont les journaux regorgent aujourd’hui des photos, mais bon sang de bonsoir,
qu’est-ce que çà arrange bien les bidons de nos politocards, de nos journaleux,
de nos scribouilleurs et de nos penseurs-philosophes à barbes à cache-sexe et
brushings BHLiens sponsorisés par Cadonett…
Ah ! ils vont pouvoir s’en donner à cœur joie, tous ces
faux-culs insincères, ces faux décoincés du derche pontifiants… Ces politocards
prompts à plus sentir le vent des urnes que l’odeur dégueulasse de la
compassion frelatée… Ces journaleux qui généralement mettent à côté de la
plaque (genre « Cette année, on gagne l’eurovision »…) et n’ont pas
mis à la une cette immonde photo… Ces scribouilleurs de tous poils qui ne vont
pas manquer d’aller exhiber leurs chemises froissées, leurs trombines de
déterrés et leur haleine à décoller le papier-peint pour s’outrer du sort fait
aux migrants avant de rentrer dans leur confortable loft dans un quartier
privilégié… Ces penseurs-philosophes, ou auto-proclamés tels, qui investiront
dès demain les plateaux télé (parce qu’ils servent du café chaud et des
viennoiseries) pour appeler à la trente-quinzième croisade contre l’injustice
humaine et la discrimination de tous poils…
C’est d’autant plus vomitif de constater qu’il a fallu cette
dérangeante photo de ce petit corps de chiffon inerte pour que l’indignation
gagne le monde…
On a consacré des reportages entiers à l’insondable détresse
de ces populations jetées à la mer comme des sous-merdes, à leurs conditions de
survie proprement inhumaines… On en a tartiné des plages d’information à ces
drames de l’immigration à base de bateaux qui coulent, ou qui chavirent, et de
camions qui congèlent les candidats à un monde un peu moins pourri…
Rien, pas une vaguelette d’indignation, pas un prout de BHL
ou de Finkielkrault sur BFM, pas le début d’un iota de pétition indignée façon
« manif pour tous », rien !
Et là, il suffit d’une photo pour mettre le feu aux poudres
d’un pétard… mouillé, vraisemblablement, puisque c’est la mer qui a rejeté le
gamin… Et demain, on s’indignera pour quoi ? On publiera une interview de
Nabila pour se jurer d’agir contre la lobotomie ? Une photo récente de
Catherine Deneuve provoquera-t-elle l’interdiction du botox ? L’écoute du
dernier disque de Christophe Maé convaincra-t-elle de couper les couilles et la
voix à tous les bêleurs de conneries ?
Indignation vaine et stérile… Haut-le-cœur parfois sincère
mais oublieux dès qu’on ouvrira le courrier et qu’on trouvera son avis
d’imposition… Coup d’épée dans l’eau, brassage de vent façon ventilo…
Il n’y a hélas pas que dans ce domaine que nos politocards
la connaissent dans le coin… Regardez notre Premier Sinistre, qui mouille sa
chemise dans tous les sens du terme… A l’université d’été des socialos, on aurait
cru Johnny après deux heures de concert, ou Fogiel dans un sauna tant il était
trempé…
Il a suffi que mois de mille cinq cents tracteurs déboulent
à Paris pour que Manu le Pétillant se lance dans sa valse de la séduction,
claquettes d’illusionniste aux pieds et regard de Kaa du Livre de la Jungle, en
annonçant des aides aux agriculteurs, sans les convaincre…
Une annonce de mouvement de grève dans l’enseignement ?
Ben quoi ? Huit jours après la rentrée, faut bien qu’ils se reposent, ces
profs harassés de boulot… Soyez certains que la Grande Jajat va voler à leur
écoute et leur promettre monts, merveilles, beurre, argent du beurre, crèmerie
et champ avec les vaches laitières…
J’arrête, parce que sinon, je vais finir par être vulgaire,
et traiter les ministres d’enculés, ce n’est plus une insulte, mais assurément
une constatation, voir une invitation pour certains d’entre eux…
Je préfère me finir en vous racontant comment Marie-B a
rencontré son époux, Pierre-Amaury, de deux ans son aîné, lorsque, à dix-huit
ans, elle fut conviée à participer au très connu Bal des Débutantes, baisodrome
mondain où les meilleurs partis actuels faisaient virevolter pendant un quart
d’heure du boudin de marque en ensachage de luxe au rythme de sempiternelles
valses inusables (à bannir toutefois « El gato montes » et autres
« Dénicheur », même joués d’accordéon de maître par V.G.E., la
Vévette Horner de l’Elysée) avant d’aller se faire allègrement emmancher
profondément entre cousins, relations et connaissances monstrueusement montées
dans les toilettes pour hommes afin de pouvoir, l’expérience aidant, s’asseoir
sur un petit-suisse sans l’écraser.
Pendant que ces messieurs, pudiquement estampillés comme
« célibataires endurcis » pour ne pas avoir à écrire « grosses
folles tordues » dans les tabloïds, tiraient des plans sur la comète,
prenaient des mesures et jouaient à savoir qui avait la plus grosse pour s’en
faire mettre un bon coup dans les miches, histoire d’élargir le cercle de leurs
relations ; ces demoiselles, les andouillettes labellisées et ensachées en
papillotes griffées des plus grands noms de la fringue de haut vol en question,
faisaient banquette, tapisserie ou office d’aimable plante verte aux abords de
la piste de danse où valsicotait à s’en étourdir après deux rails de coke, un
joint de pure afghane et un Vichy-fraise (faut tout de même rester raisonnable)
toute la relève de l’aristocratie monarchiste française, un lieu de
prédilection de tout premier choix pour un attentat républicain.
Certes, la soirée avançant en heure, et la chaleur montant
proportionnellement au degré d’alcoolémie ambiant, certaines de ces demoiselles
prenaient bien un petit coup de giclant entre les jambes ; mais le
responsable de la giclette jouissive était en général parfaitement beurré, et
par-là même foncièrement inconscient de ses actes, et ce n’était finalement pas
pour elles d’une extrême nouveauté.
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