- Ça par exemple ! Mais
ne serait-ce point ?.... Voûûûûûûûûs !
Cette
si reconnaissable voix embourgeoisée et haut perchée à la diction très seizième
(arrondissement, pas siècle) tendance Marie-Chantal, qui ce matin me cloua sur
les clous, c’était celle de Marie-Bérangère Mouillay-Delatouf, bourgeoise grand
teint, invariablement fagotée en bleu marine, et dotée d’un quotient
d’éducation sexuelle qui culminait dans les sommets himalayens aux environs
immédiats des dix-sept, résultat qui s’intercalait péniblement entre le limaçon
et le canard de Barbarie, et qui était à peine plus élevé que celui d’un oursin,
irremplaçable pièce unique dans son inénarrable catalogue de chaisières usagées
jusqu’à la corde, élevées au tailleur Chanel et dopées au carré Hermès.
Fournissant des efforts
surhumains pour grimacer un sourire cachant à grands renforts de gesticulations
devant paraître amicales et accueillantes le profond emmerdement de devoir me
farcir cette charrette de première pression, je grinçais un :
- Ah ! Très chère
Marie-Bérangère ! Mais quel plaisir de vous rencontrer là ! Mais
comment se fait-il que vous soyez en ville à cette heure matutinale ?
- Ne m’en parlez pas !
Ils vont tous me tuer ! C’était la rentrée des enfants Marie-Eucharistie, ce
matin… Je n’ai eu de cesse de courir telle une damnée ou une favinette de
Christophe Maé le jour de la sortie de sa dernière bouse sur disque… Entre le
collège de La Sainte Trinité des Saints des Derniers Jours pour Louis-Tancrède
et Tanguy-Maximilien, l’Institution Sainte Incarnation de la Pénétration pour
Marie-Crucifix, l’école élémentaire Saintes Marie-Madeleine des Mobylettes et
Sainte Colique de la Constipation pour Marie-Eucharistie, j’ai juste eu le
temps de coller une rustine à mes escarpins Isotoner avant de flanquer Hégésippe-Pacôme
et Marie-Assomption à la crèche Emile Louis…
- Eh oui, eh oui… c’est le
souci de se faire mitrailler le moule à mille-feuilles sans capotes, on pond
des enfants tous les neuf mois…
- Ah, mon cher, nous ne
reprendrons pas ce débat… Aucun condom ne franchira mon seuil intime ! Cette
viande sous plastique, c’est d’un vulgaire, c’est d’un commun… Ça fait Prisunic !
- Ne nous pétez pas un
burn-out pour cette journée… Dès demain, la nounou Maria Conchita del Pilar reprendra
le flambeau…
- Vade retro Satanas et
Daibolo ! Cette satanée espingouine me rend son tablier ! En trois
mois, c’est la trentième à s’en aller ! Croyez-moi zou non, mais il est
tombé plus d’espagnoles chez moi qu’à la Guerre Civile…
- Et Pierre-Amaury n’aurait
pu vous remplacer pour cet harrassant labeur qui vous vaudra à coup sûr la
médaille des familles ?
- Pierre-A ? Mais vous
plaisantez ! Il n’y entend que pouic aux gosses ! Pour les faire, ça
oui, il a l’andouillette qui coulisse parfaitement dans le moule à moutards,
mais pour s’en occuper… On voit bien que vous le connaissez pas !
Et
c’est vrai ! De Pierre-Amaury De Remémoizan Ungrancoût, je ne savais en
définitive pas grand-chose ; n’ayant pas reçu, à la différence de certains
chroniqueurs mondains des perfusions ininterrompues de « Who’s who »
à hautes doses dans les veines. Issu d’une grande famille d’aristocrates
français qui s’étaient tous plus abîmés les mains à compter les billets de
banque qu’à manier pelle et pioche dans les mines de bauxite, Pierre-Amaury,
que Marie-B surnommait P.-A. ou Pierre-A, c’était selon l’humeur du moment et
la couleur, douteuse, de ses chaussettes, était un des meilleurs représentants
de ce que l’on appelait assez trivialement un glandeur de première, un fils à
papa si l’on voulait causer en bon français et respecter la rigoureuse
étiquette en vigueur chez ces gens-là.
Particulièrement
doué pour les bitures généreusement carabinées au gin-coca, P.-A. avait
péniblement planté cinq fois sa première année de droit, avant que ses parents
n’interviennent et ne fassent finalement caser leur rejeton dans une des boîtes
d’un vague oncle de la jambe du milieu, où il occupait actuellement un poste
aussi prestigieux qu’inutile, dont la qualification oscillait entre directeur
technique de l’inspection spécialisée des placards à portes coulissantes en
quinconce, et responsable général de la coordination globale et unifiée de
l’usage concerté des ressources hydriques et consommables des automatismes
manuellement commandés de l’entreprise (bref, le mec qui s’occupe des niveaux
d’eau et de kawa dans les machines à café de la boite).
Comme
les fins de mois étaient horriblement difficiles ; à moins de 10.000 Euros
mensuels, il pensait sombrer dans la misère la plus totale et se sentait obligé
d’aller acheter son caviar en importation au Shopi de la rue des Martyrs, se
sentant humilié dans ses derniers retranchements lorsqu’il entendait madame
Petrossian mère, en personne, lui faire remarquer en catimini que sa
consommation avait baissé d’un kilo et demi cette semaine et qu’elle espérait
grandement que cela était bêtement dû à une indisposition passagère ;
Pierre-A s’était courageusement résolu au bénévolat, mais attention, pas du
bénévolat gratuit, on n’était tout de même pas des nègres, que diable !
On
lui avait alors déniché un bon vieux bénévolat rémunéré, sacerdoce inappréciable
que Pierre-Amaury exécutait depuis lors avec une foi inébranlable (bien que du
côté de Marie-B, ce fut un niet prénuptial ; le réduisant en personne, et
méprisant les risques d’ampoules sur ses mimines n’ayant jamais approché à
moins de dix mètres la moindre poudre à laver débordante de tensioactifs si
vénéneux pour la délicate peau des aristos ou la plus ridicule crème à récurer
regorgeant de substances chimiques particulièrement irritantes, à ce labeur
mono-manuel bi-quotidien dans les tinettes étriquées et à l’hygiène toute
relative de son humble appartement, tinettes qui avaient au bas mot la
superficie de deux chambres de cité-U) dans un club dont les principales
activités se résumaient à organiser des rallyes, des raouts faussement
impromptus entre aristos et autres pique-niques champêtres où l’on pouvait à
loisir voir un aréopage de pétasses emperlouzées et de bourgeoises coincées se
faire allègrement décoincer dans les fourrés par de jeunes éphèbes sauvagement
calibrés par Mère Nature, éphèbes largement déniaisés qui changeaient
d’habitude le week-end en se farcissant de la dinde, pas toujours de première
fraîcheur au demeurant. Pierre-Amaury, fournisseur officiel et international de
farce pour dinde aristocratique de haute volée et de fraîcheur variable,
partait d’ailleurs chaque année à Gstaad, où même les après-skis sont fourrés,
c’est vous dire la frénésie sexuelle qui règne là-bas, début janvier pour tirer
les rois et, accessoirement, quelques reines plus ou moins décaties qui, à
l’instar des auvergnates, aimaient bien la bourrée ; à moins qu’elles ne
préfèrent être bourrées, dans tous les sens du terme.
A
chaque fois qu’il annonçait de sa pédante voix suffisante et veule un pompeux
« Dimanche dernier, nous avons organisé une sortie au bois » (pas au
bois de Boulogne, non, ils ne sont quand même pas tarés au point de se faire
bouffer le boulot par la concurrence déloyale de toutes les brésiliens) ;
je ne pouvais m’empêcher de me représenter Pierre-Amaury s’activer du
bas-ventre, nu et dans les positions les plus rocambolesques, son corps
d’athlète russe sortant de trente ans de goulag répandu sur ce corps offert et
offrant d’une vieille rombière en bout de course qui ne pensait plus que l’on
eût pu s’intéresser à son intimité depuis ce terrible jour d’août 1966 où son
légitime époux lui fit, au péril de ses coronaires et de son assurance-vie,
découvrir les raffinements de l’estocade normande à la crème fleurette sur la
banquette avant de la respectable 403 familiale sagement garée dans un bucolique
sentier campagnard ombragé des regards, les six enfants en uniforme bleu marine
et socquettes blanches benoîtement occupés à cueillir des mûres dans un roncier
en contrebas.
Pendant
que Marie-B enfilait des perles en collier pour les vieilles du quartier,
Pierre-Amaury enfilait les vieilles du quartier en colliers de perles. Ce qui
semblait revenir au même, mais dans le désordre.
Vous
en voulez encore ? La suite au prochain numéro !
Et
le 2 septembre 1980, Barbra Stressante… euh, Streisand, nous gratifie de son
organe avec la chanson « Woman in love », qui sera reprise à pleins
poumons et moumoutte au vent par Mireille Mathieu sous le titre « Une
femme amoureuse »… Encore un rôle de composition pour Mireille de
Saint-Bénézet…

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire