vendredi 17 avril 2015

Brèves du 17 Avril 2015

« I am the voice in the wind and the pouring rain
« I am the voice of your hunger and pain
« I am the voice that always is calling you
« I am the voice, I will remain »

De sa voix diaphane et quasiment aussi enrouée qu’une portière de vieille quatrelle mal graissée et attaquée par la rouille, la tout aussi diaphane (euphémisme mondaine pour ne pas dire rouquine fadasse) Eimear Quinn (la bien nommée) réussissait le prodige de faire gagner pour la quatrième fois en cinq ans l’Irlande au Grand Concours Irlandovision de la Chanson… Ce Grand Prix 1996 devait heureusement faire un flop dans les hit-parades, notamment en France, le public en ayant largement soupé de toutes ces irlandaiseries vaguement celtiques qui depuis l’insupportable Riverdance nous martyrisaient consciencieusement les oreilles…

Je suis la voix… Je resterai…

Je resterai dans ton oreille comme un doux murmure, une chaude caresse, un sec reproche, un aveu déchirant ou un ordre abrutissant…Ou pire encore, comme une chanson de Calogero…

Je suis la voix… La voix que te chante, t’enchante, te charme, t’envoute, t’ensorcelle, te fait rêver, te fait bander, te fait jouir, te fait regretter d’avoir repeint les rideaux en crépi moucheté…

Je suis la voix du vent et de la pluie battante, la voix chaude comme un simoun chauffé à blanc, la voix glaciale comme un Frigidaire poussé à bloc ou Catherine Deneuve, la voix lance-flammes d’un Hitler de pacotille, la voix apaise-douleur, comme une triple épaisseur de Gaviscon dans votre œsophage en feu…

Je suis la voix de la faim et de la peine, la voix gourmande d’un chroniqueur gastronomique qui frétille des papilles au travers du micro… la voix alléchante qui résonne en votre for intérieur à la lecture d’un menu d’un gourbi multi-étoilé… la voix de glas sépulcral qui s’élève à l’oraison funèbre dans une église aussi gelée que vos pieds dans vos godasses et vos yeux baignés de larmes à la limite de la cristallisation…

Je suis la voix qui t’appellera toujours… la voix intérieure qui vous poussera à reprendre du plum-pudding aux noix de pécan caramélisées pour la troisième fois de la soirée… la voix melliflue qui vous incitera à prendre ce putain de bordel de pompe à cul de raccourci de mes deux qui vous fera perdre deux heures et la quantité d’essence nécessaire pour parcourir quarante kilomètres supplémentaires…

La voix qui vous titille les oreilles le matin, lorsque vos paupières sont aussi lourdes que des pachydermes obèses et que vous feriez n’importe quoi pour ne pas entendre l’abominable mécanisme sonneur qui glapit des nouvelles, des réclames ou des conneries (les dernières n’étant généralement que peu éloignées des deux premières)…

Les voix de radio ont cet avantage que vous avez tout loisir pour leur associer le physique qui vous sied… Egalement celui de vous suivre quasiment partout… De vous réveiller le matin, de vous border le soir en vous accompagnant paisiblement ou en vous flanquant un grand coup dans le derche vers les bras de Morphée…

Ce serait vain de faire ici l’inventaire des voix radiophoniques mythiques, et ce n’est pas un vendredi soir que je vais m’y coller, sous peine de vous coller un 43 fillette sur les contours charnus de votre meilleur profil…

Il en est une qui m’a quelque temps accompagné avant le dodo… Parce que son émission commençait au moment où j’éteignais la lumière… La voix de plus en plus rocailleuse de Macha Béranger résonne encore dans mes oreilles parfois, et c’est toujours ça de pris, parce qu’avoir sa binette dansant devant les yeux… c’est un coup à vouloir imiter Gilbert Montagné !

Je ne sais si j’aime toutes les voix féminines rauques, la voix de mêlécasse d’une chauffeuse de taxi aussi féminine que Steevy est le paradigme de la virilité et à la carrure de déménageuse est-allemande n’éveille pas particulièrement des trésors de libido… Pas plus que le filet suraigu d’une descendante de Laurence Badie ne me poussera à pratiquer des étreintes humides et prolongées avec mes rideaux…

Mais ce matin, elle était là… la voix… Inimitable, irremplaçable, immanquable… Atteinte par l’âge de sa propriétaire, évidemment, quelque peu pâteuse quand on devine le dentier qui veut se tailler des flûtes malgré la tartine de colle à dentier généreusement appliquée… Mais intacte dans la gouaille, la diction tranchée aiguisée comme des couperets, la concision…

Jujube était dans le poste ce matin… Avec quasiment la même voix juvénile qui chantait dans les caves enfumées de ce Saint Germain des Près d’après-guerre où il n’y avait pus d’après, selon ses confidences… Avec la même insolence effrontée qui lui faisait interpréter des couplets tels que « un monsieur aimait un jeune homme »… Avec la même légèreté friponne que lorsqu’elle gazouillait « un petit oiseau, un petit poisson »… Avec la même soudaine gravité nostalgique qui faisait résonner « le mal du temps »…

Jujube se vendait sur Inter pour sa tournée d’adieu… Et sa voix m’a scotché… La tonalité volontiers sépulcrale de Belphégor était là, quand elle causait avec une stupéfiante simplicité et néanmoins une acuité étonnante des soucis du moment… On devinait presque sa moue lippue de plaisir quand elle évoquait son trac fou sur scène, toute de noir vêtue tel un grand oiseau noir… On ressentait son respect, malgré ses 88 printemps, face à Brel, Brassens, Ferré, Gainsbourg…

Jujube est une interprète, une vraie, une comme on n’en fera plus… Zaz, avec sa gueule de crasseuse patentée et sa voix de crash-test au ralenti, peut toujours courir en nous échauffant les oreilles avec ses navrantes rengaines parisiennes… Ça mériterait d’être enfermée au Louvre, avec Jujube en Belphégor pour lui foutre la frousse… L’ennui, c’est qu’elle est capable de nous chier un album alors…

Alors… Respect, et félicitations pour votre voix, et le reste, Madame Juliette Gréco.

Et le 17 avril 1970, c’est le retour heureux de la très médiatisée mission lunaire Apollo 13, suite à l’explosion d’un réservoir d’oxygène, panne qui fut annoncée avec l'expression « Houston, we've had a problem » (en français, « Houston, on a eu un problème »), prononcée par Jack Swigert avec un calme fantastique. Le mot est vite entré dans la culture américaine, mais sera déformé, puisqu’il est surtout connu de nos jours sous la forme « Houston, we have a problem » (« Houston, on a un problème »). Dit par Jujube, je vous garantis qu’il n’y a plus de problème… 

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