- Eh bien M’âme Jeanssen, ça n’a pas l’air d’aller… Vous
avez la mise en plis de traviole qu’on dirait que M’sieur Latranche le boucher
vous a affolé le brushing dans l’arrière-boutique et le teint aussi frais que
le Prince Rainier un lendemain de quadruple pontage coronarien…
-
Ah ma pauv’ M’âme Badrignard ! M’en parlez même pas d’une oreille
discrète ! J’ai passé une nuit terrible !
-
Ah bon ? Vous savez, vous n’auriez peut-être pas dû reprendre trois fois de
la choucroute aux fraises après la douzaine d’escargots frits à la mayonnaise…
-
Non mais elle veut ma mort sur la conscience, celle-ci ? Vous tenez à
c’que j’vous renvoie ma biscotte sans sel et ma chicorée édulcorée sur les
charentaises ou quoi ? Non, non, toute la nuit, j’ai eu comme des sueurs
froides…
-
Ah ben ça, c’est sûrement une crise de Sheilophobie…
-
Une quoi ?
-
Une crise d’angoisse à l’idée d’entendre Sheila…
-
Mais non ! Je sais très bien ce qu’il s’est passé…Figurez-vous que j’étais
en train d’attendre la diffusion de Question pour un Champion…
-
Et votre téléviseur s’est déréglé en affichant la cravate de Julien
Lepers ?
-
C’est pas fini oui ? Si vous faites rien qu’à m’interrompre, ça va durer
jusqu’aux calandres grecques ! Je regardais tranquillement l’émission de
grande musique présentée par Natasha Saint-Pier, vous savez, celle qui est
encore plus figée que Daniela Lumbroso, et qui peine à lire c’qui est marqué
sur son prompteur…
-
Oh oui, je regardais aussi, y avait le frère de Dalida, Orlando, avec sa
moumoutte plastique surlaquée… Toujours aussi presse-bite, son frère…
-
Ouais, si vous voulez, n’empêche que je trouve ça suce-pet d’être presse-bite à
ce point, mais bon, chacun fait c’qui veut avec son cul, moi ça ne me regarde
pas… Eh ben figurez-vous qu’avant la fin, en catimini comme s’il en avait eu
honte, ils ont annoncé le résultat du vote pour la chanson française qui va
représenter la France au Grand Prix du Concours de l’Eurovision de la Chanson…
Ça m’en a coupé la digestion !
-
C’est encore plus mauvais que d’habitude ?
-
Dites voir, ça s’appelle « Moustache »… Et pourquoi pas « Poil
de zob », pendant qu’ils y sont…
Et
là, je reprends quelques instants la main, histoire de permettre à c’te pauv’
M’âme Jeanssen de se remettre de ses émotions eurovisuelles… Vous êtes peut-être
au courant, nous avons désormais le nom des candidats français qui auront le
plaisir de se manger une tôle le 10 mai prochain à Copenhague… Vous ne le
sauriez pas que vous auriez toutes les excuses du monde… Balancer en trente
secondes, en fin de programme le résultat du vote, en s’excusant presque et
avec toute la froideur d’une speakerine russe de la grande époque… Et pourtant, je vous le dis de manière plus ou moins détournée depuis
presque huit jours !
Selon
toutes vraisemblances, le résultat du vote ne comble pas France 3 d’aise et
n’est pas celui espéré par les instances dirigeantes de la chaîne, qui ne va
pas se ruiner en promotion pour la chanson retenue…
D’autant
que « Ma liberté », la chanson qui semblait poussée par les
officiels, s’est classée bonne dernière, démontrant par là que l’extermination
cruelle de douze bombes de laque et les pleurnichements vocaux photocopiés des
produits de télécrochets ne convainc plus ni le public ni les professionnels…
Peut-être quelques fanatiques de l’Eurovision, qui mouillent leurs strings et
se tripotent le vermicelle en écoutant ce genre de rengaine poussiéreuse qui
n’aurait effectivement pas démérité au Concours de 1982…
Le
résultat dût-il défriser quelques garçons-coiffeurs et nombre d’eurofans, c’est
« Moustache » interprété par le groupe Twin-Twin qui portera nos
couleurs au Danemark au mois de mai prochain. Ils attendaient à ce que les
téléspectateurs votent en masse pour la guimauve démodée de Joanna « Ma
liberté »… C’est en fait la chanson décalée qui est arrivée en tête…
Le
souci, c’est que l’on va assister désormais à un dézingage en règle de cet OVNI
musical, à la rythmique qui rappelle le « Dur dur d’être bébé » de
Jordi, et aux quelques paroles en anglais et espagnol, qui ne nous permettra
pas selon toutes vraisemblances de ramener la couronne Eurovision à Paris…
En
fait, quelle que soit la chanson retenue, il était d’ores et déjà acquis que la
France ne brillerait pas à Copenhague… Mais on peut toujours espérer une belle
surprise, surtout si Twin-Twin offre une prestation au point scéniquement
parlant… La victoire ? Certainement pas ! Une place honorable ?
C’est évidemment tout le mal qu’on lui souhaite !
Rappelez-vous
de la fronde qu’avait dû affronter Jessy Matador en 2010 avec son « Allez
ola olé » qui au final n’avait pas démérité au Concours et avait
enregistré un bon succès public par la suite… Rappelez-vous également le balai
espagnol chantant en corse l’année suivante, que tous les eurofans voyaient
gagnant et qui s’était lamentablement vautré après une catastrophique
prestation live tendance mare aux canards tant les couacs étaient nombreux…
Souvenez-vous
aussi de la candidate hongroise de 2011, Kati Wolf, donnée gagnante par les
fans français et qui s’était elle aussi mangé une tôle en s’échouant
vingt-deuxième sur vingt-cinq… Ou du norvégien Tooji, porté aux nues par les
eurofans, et qui avait fini bon dernier de la compétition…
Trop
classique pour plaire au public européen, « Ma liberté » n’aurait pas
permis un classement honorable, surtout si Joanna, résidu d’un télécrochet,
persistait à arborer son accident de coiffure…
Je
n’évoque même pas la bouillie pour abonnés au Biactol défendue par les Destan,
qui aurait fait ricaner de Lisbonne à Kiev…
Je
ne sais si la France a fait le bon choix ; mais il est certain qu’elle a
fait le moins mauvais choix possible… Osons donner un coup de neuf au
Concours ! Gommons l’image eurovisuelle française qui imposait d’envoyer
immanquablement des balades à voix traditionnellles défendues par une chanteuse
à robe longue pétrifiant derrière son micro à pied… L’âge des Frida Boccara, Marie
Myriam et autres Isabelle Aubret est révolu…
Je
ricane doucement en pensant à toutes celles et ceux qui s’astiquaient la
nouille sur « Ma liberté » en la voyant déjà à Copenhague,
recueillant les faveurs du public paneuropéen… Le Concours Eurovision n’appartient
pas aux fans, et les goûts musicaux de l’Europe n’est que rarement en phase
avec ceux des eurofans… Alors, félicitations à Twin-Twin qui présentera, je
n’en doute pas, une chanson au poil…
-
Vous vous rendez compte, M’âme Badrignard, une chanson de n’importe quoi à
l’Eurovision ! Alors qu’avant, on savait faire de si belles
chansons ! Alain Barrière, Jacqueline Boyer, André Claveau…
-
Oh moi vous savez, M’âme Jeanssen, Alain Barrière et sa mâchoire de trente-huit
tonnes, j’ai jamais accroché…
-
Evidemment, vous, vous n’aimez que Marcel Amont et Georgette Plana, alors
question nouveauté musicale…
-
N’empêche que j’ai bien aimé vendredi soir la cérémonie des Césars… Toutes ces
actrices si bien habillées, ces acteurs si séduisants…Vous avez vu Michel
Bouquet comme il était fringant ?
-
C’est vrai que dans une pub pour les Pompes Funèbres, il aurait été éclatant de
vitalité… Non mais si c’est pas une honte ce palmarès ! Cinq récompenses
pour un film qui cause d’un homme qui se prend pour une fille… Et pourquoi pas
sacrer le fils de M’âme Pichet rosière du quartier, pendant qu’on y est !
-
Oh ben oui, mais Guy-Louis, il est tellement gentil et prévenant….
-
Ça… Il ferait pas de mal à une fille…
Cette
cérémonie des Césars, quelle réussite ! Sponsorisée plein pot par les
somnifères Grododo, la soirée s’est comme toujours alanguie entre les
remerciements empruntés et interminables des seconds couteaux de l’industrie
cinématographique, les prêchi-prêcha de la plante verte faisant office de maîtresse
de cérémonie et les lauréats faussement surpris qui n’ont rien préparé mais
lisent consciencieusement les trois feuillets dactylographiés à l’avance…
-
En tout cas, on dira bien ce qu’on veut, mais ça vaut toujours mieux de
regarder ça que de se lamenter sur les évènements d’Ukraine… Déjà que j’aimais
pas Poutine, ça va pas m’encourager à voter communiste aux prochaines
municipales…
-
M’enfin vous faites tout de travers, ma pauv’ M’âme Badrignard ! Vous vous
rendez pas compte que c’est justement pour tenter d’éradiquer la chienlit ukrainienne
que Poutine veut mettre le bousin en Europe centrale et écrémer la Crimée (la
Crimée lacrymal, bien entendu…)…
-
Oui, ben tant qu’il vient pas nous Sotchi-er dans les bottes…
-
Dites en parlant de bottes, vous avez pas trouvé que ça sentait la bouse ces
jours-ci dans le quartier ?
-
Oh ben non… Il paraît que M’âme Rossignol a réussi à faire réparer sa fosse
septique qui fuyait…
-
N’importe quoi ! Je vous parle du Salon de l’Agriculture où ce que c’est
que tous nos hommes politiques sont aller tâter du croupion cette
semaine ! Ah ça, ils avaient vraiment l’air de martiens débarquant en
Terre Inconnue !
-
Oh ben moi j’ai trouvé qu’il avait de la prestance, notre Président…
-
C’est ça ! Avec les cochons, il faisait ton sur ton !
Brisons
là cette conversation qui commençait à prendre un tour cochon, pour nous
intéresser à l’anniversaire du jour : le 3 mars 1969, est lancé le nouvel
hebdomadaire de BD, qui fait suite à Vaillant : Pif Gadget. Pour
l’occasion, Roger Lecureux et André Chéret créent un nouveau personnage qui
évolue à la préhistoire : Rahan, fils des âges farouches. Armé de son
coutelas en ivoire et de son collier de griffes, le blondinet à moitié à poil
va impressionner toute une génération de lecteurs… Et à l’époque, il ne portait
pas de moustache !
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