jeudi 1 septembre 2016

Brèves du 1er Septembre 2016

Le petit matin blême est un poil frisquet et le soleil point timidement ses rayons sur les toits de tuiles rouges encore mouillée de rosée. La ville s’éveille doucement, comme un gros matou qui ronronne, et pourtant l’activité est déjà là. Les bars répandent de la sciure fraîche, les primeurs déploient leurs étals en exposant à tous vents leur asperge bien raide et leur concombre robuste, tandis que les bouchers font reluire leur saucisse et les poissonniers montrent leur raie à qui n’en veut.

Vous, le trouillomètre au triple zéro, vous fixez la pointe de vos Kickers marron toutes neuves avec la secrète volonté de les voir se clouer sur place, vous immobilisant irrémédiablement et interdisant ainsi toute arrivée à destination, au bout de cette rue, vers ce portail de fer peint en gris entrouvert où s’engouffrent des mères trainant comme des boulets des gamins de votre âge, généralement au bord des larmes et de la nausée, pas mécontentes de s’en débarrasser le temps d’une demi-journée…

Vous avez la trouille, faut bien le dire, une trouille indéfinissable et paralysante… Et bien que ces fonctions naturelles aient été remplies voici dix minutes en quittant l’appartement, vous avez tout à la fois envie de pipi, de caca, de vomir et de faire demi-tour…

Et pourtant… hier soir, assis en tailleur sur le dessus de lit en patchwork multicolore, vous étiez fiers de mettre dans votre cartable Tann’s flambant neuf la trousse tout aussi neuve et tout aussi Tann’s avec à l’intérieur un Bic 4-couleurs et une gomme qui sentait le bonbon avarié, les cahiers à petits carreaux recouverts par les protège-cahiers multicolores et l’ardoise double face à cerclage de bois… Vous étiez contents du sac à goûter vert militaire qui allait sous peu renfermer choco-BN, pain au lait violé d’une barre de Milka individuelle et banane qui imprimera pour plusieurs décennies sur le revêtement lavable intérieur son odeur…

Le portail de fer est franchi, et déjà vous cherchez la main de votre maman qui vous fait un gros bisou tendre, pas plus rassurée que vous, ni que les bambins qui batifolent dans la cour en piaillant comme de futurs poulets aux hormones ou qui brament à s’en péter les cordes vocales, morve au nez et bulles sur les commissures des lèvres. Un signe de la main sur le pas du portail et sa silhouette en pantalon pattes d’eph’ et blouson de cuir marron s’efface…

Ne niez pas, vous vous souvenez tous certainement d’à peu près les mêmes choses lorsqu’on vous parle de rentrée des classes…

Vous vous rappelez les bureaux à couvercles rabattables qui vous ont plus d’une fois pincé les doigts en claquant intempestivement, ces bureaux au vernis craquelé et avec les trous des encriers, témoins d’une génération où l’on écrivait encore à la plume Sergent Major,

Vous vous souvenez de l’odeur (et de la poussière) de la craie lorsque vous étiez appelés au tableau, des lignes d’écriture où vous alignâtes des rangées de majuscules, redoutant l’infaisable « K », des infâmes cabinets à la turque sous le préau qui empestaient le désinfectant la première semaine pour retrouver très vite leur fragrance ammoniaquée et émétique de pipi-caca, de l’invariable odeur de poisson pané le vendredi midi, et les nouilles à l’eau trop cuites, des aventures de Poucet qui vous apprendront à lire, de la blouse en pur synthétique pour la peinture, des tubes de gouache Pébéo auxquels manquaient souvent le bouchon…

Et la séance hebdomadaire de télévision scolaire, assis en tailleur devant l’antédiluvien téléviseur noir et blanc, qui avait dû transmettre la première télé de Zitrone et le couronnement de la Reine Fabiola…

Aujourd’hui, nos chères têtes blondes, brunes, rousses et autres reprennent le chemin des classes où des enseignants de gauche (pléonasme) tenteront de leur inculquer les bases du savoir, une tâche ardue, il ne faut pas se le cacher… Et ces chères têtes blondes, brunes, rousses et autres nous feront quelque part revivre nos propres rentrées des classes…

Un conseil, ne regardez pas la grand-messe du vingt-heures ce soir ; à moins d’être porté sur le plaisir sadique et de vous pogner le spaghetti à mayonnaise sous pression en visionnant les habituels marronniers de la rentrée des classes : les effectifs trop importants et les refus de création de nouvelles classes, les moutards bramant des litres de larmes et gueulant comme des sirènes d’alerte à la grande époque de la Kommandantur, les mères à cheveux gras et verbe hésitant, témoin d’une culture téléréalistique, grognant les conditions d’accueil de leurs tétards à hublots, et l’incontournable chipie blonde à couettes qui braille à 120 dB dans le micro…

C’est qu’il faut remplir coco ! C’est qu’on a pas tous les jours une catastrophe aérienne, un attentat de Daesh ou la mort d’une célébrité pour tenir la tête du vingt heures… Il ne tombe pas un DSK à moitié à poil et la goutte au gland dans une chambre de Sofitel tout rôti dans l’escarcelle toutes les semaines… On peut prier Saint-Elkabbach du Scoop de la Mort qui Tue avec trois douzaines de cierges pascaux modèle « Jeux Gourmands à la Fistinière » avant de dégoter un Cas Huzac, les yeux dans les yeux et le pognon dans le compte helvète…

C’est roupie de sansonnet souffreteux que la dépêche selon laquelle le pot à tabac du Beffroi s’est ruiné un Sloggi quadruple XL en apprenant la démission de Manu Macaron, le trombineur de la trisaïeule à Dalida. Contente qu’il gicle (enfin, façon de parler) parce qu’il ne lui avait pas fait d’avances, le sulfateur de dindons racornis ? Qu’elle soit au contraire ravie, Titine Aubry, c’est qu’elle est quelque part encore consommable. Manu Macaron, c’est comme Amélie Nothomb, il n’aime que les trucs pourris…

Que vouliez-vous qu’on fasse, à part une brève en résumé de l’intention de Bruno Le Marie, s’il est élu à l’Elysée, de supprimer l’ENA ? Triple obstacle : Bruno Le Maire, inconnu au bataillon, il ne fait pas bander la ménagère quarantenaire ; son élection comme Président, autant demander à ce qu’il pleuve du Pétrus 1949 ; la suppression de l’ENA, impossible de virer une telle fabrique d’incapables…

Et ne comptez pas faire de l’audience et plus de quinze secondes avec le recrutement d’une nouvelle Miss Météo sur France Info, en la personne de Claire Chazal, qui peine à recycler sa perruque blonde dégueulasse depuis qu’elle s’est faite virer de la première…

Si les nouvelles du jour vous ont trop atomisé le moral, remontez le temps et visionnez donc un chef d’œuvre du cinéma français, « Le Voyage dans la Lune » de Georges Méliès, sorti le 1er septembre 1902 au théâtre Robert Houdin à Paris. Rassurez-vous c’est très propre, ce n’est pas le récit des mémoires de Chazot… 

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