« C’était le temps des
fleurs,
« On ignorait la peur,
« Les lendemains avaient
un goût de miel… »
De toutes les versions
connues de « Those were the days », la bluette nostalgique qui lança
la carrière de la petite protégée des Beatles, Mary Hopkin, en 1968, c’est sans
doute celle de Dalida, la chanteuse louche au frère presse-bites, qui apparaît
la plus décalée…
Aux vagues réminiscences
ouraliennes de la mélodie soutenues par un genre de balalaïka, on fait
vocaliser à la chanteuse à l’accent plus italien qu’une meule de parmeggiano
raggiano un texte mélancolique sur des avant-hier évaporés dans la fumée de
tavernes du vieux Londres…
Vous me direz que question
mélange international, on ne fait jamais aussi fort qu’au Grand Prix Eurovision
de la Chanson où les nationalités se mélangent presque aussi facilement que les
salives et les fluides des fans dans les coulisses de ce grand baisodrome
européen…
Quand on se permet d’envoyer
au casse-pipe un duo de chanteuses espagnoles faisant carrière en Allemagne produites
par un parolier d’origine israélienne pour tenter de chanter en français pour
le Luxembourg sur la scène du Concours Eurovision de Paris en 1978…
En parlant d’Eurovision, je
sais qu’il vous sera parfaitement indifférent d’apprendre que les sélections se
sont officiellement terminées samedi soir par la finale du Melodifestivalen
suédois et que nous connaissons d’ores et déjà la quarantaine d’alcoolats
musicaux plus ou moins écoutables qui feront le Concours 2016. Espérons
quelques pépites, pas trop de bouses imbitables, et le maximum de chansons qui
ne vous feront pas saigner les tympans comme le derniers albums de duos chantés
en yiddish et en moldo-slovaque par Zaz et Christophe Maé…
En France, après les fuites
irrépressibles des hystériques du falbalas de la chose eurovisuelle (faut dire
que sans couches ou un sacré bouchon, y a comme qui dirait des béances au
niveau de la porte arrière chez certains), Amir présentait la version raccourcie
de « J’ai cherché » samedi soir dernier chez Véronique Dicaire… Ce n’est
pas aussi mauvais qu’on pouvait légitimement le redouter ; mais ce n’est
pas aussi bon qu’on pouvait, par miracle lourdesque, oser l’espérer…
Toujours cette pâteuse
sensation d’interminable répétition du motif du refrain, sans un quelconque
changement, et ce ne sont pas les quelques percussions rajoutées ça et là qui
vont nous distraire, pas plus que les vocalises quasi-finales de Mimir
mini-prix… Bref, ça laisse comme un goût d’inachevé et d’ennuyeux en bouche…
Par contre, si l‘on pouvait
éviter de lui flanquer la quarteron de gourdasses dans les pattes à Stockholm,
avec leur tambourin à rubans, leur tutu et leur chemise en jean délavé
totalement démodée ; on se fera
suffisamment allumer comme ça sans avoir besoin d’en rajouter une bonne
louche niveau du ridicule kitsch…
Bah, question kitsch, il
suffit de se laisser bercer par le vinyle grésillant de la momie du Caire,
Yolanda Gigliotti, qui roucoulait un temps des fleurs évoquant sa jeunesse, du
temps de l’érection des pyramides…
C’était le temps des fleurs…
Et l’on ignorait la peur de se faire mitrailler par des illuminés du bulbe, ou de
se faire sauter par des enturbannés enrhumés du cortex. Quand on partait hier
ou avant-hier en club de vacances en Côte d’Ivoire c’était pour tirer (et à
tant que faire pas comme des lapins) et sauter des bombes à tour de bras, à
couilles rabattues… Pas pour se faire tirer comme des lapins et sauter sur des
bombes…
C’était le temps des fleurs…
Un temps où il importait peu de manger équilibré, sain ou diététique, et où l’on
se pourléchait les babines de plats mijotés, de cassoulets roboratifs, de
viandes en sauces, de fromages crémeux, de biscuits tout sauf allégés et de
sirops pur sucre… Quoiqu’aujourd’hui, au royaume du light, de l’allégé, du -45%
de matières grasses englouties par des pétasses à mois de 45 % de matière
grise, le plat vedette préféré des français n’est pas réputé pour ses qualités
diététiques…
Non, ce n’est pas la tranche
de merde huileuse entre deux éponges dont Ronald Mc Donald c’est fait une
spécialité… Mais bel et bien la pizza, dont il s’est mangé 819 millions d’exemplaires
l’année dernière aux quatre coins de l’hexagone… On attend encore la pizza bien
française, la « steak-frites-camembert-baguette gauloise bleue »…
C’était le temps des fleurs…
Des fleurs bleues et des romances prénuptiales qui parfois viraient à un
irrémédiable Hôtel des Culs tournés après quelques années de mariage… Aujourd’hui
aussi, et lorsque la dispute vire véritablement au vinaigre balsamique (l’histoire
se passe au Val d’Aoste), on abandonne madame sur le bord de l’autoroute qui,
après une vingtaine de kilomètres de marche, se fait faucher par une voiture…
Le veuf a été mis en examen pour complicité d’homicide involontaire… Alors que
ce n’est qu’un acte citoyen…
C’était le temps des fleurs,
de l’insouciance légère et des baguenauderies dans les jardins de Monte-Carlo…
L’époque où l’on pouvait mener grand jeu au casino de Monaco, flamber des
millions en une seule soirée en siphonnant des caisses de Dom Pérignon
millésimé, et rentrer en caleçon au petit matin à l’hôtel… Le temps où l’on
prenait comme un haut fait de guerre de se faire interdire de jeux par la
Société des Bains de Mer… Aujourd’hui, à l’instar de cette conductrice bourrée
furax d’être interdite, on fonce en bagnole dans le casino par dépit… Et même
pas une berline de luxe… O tempora…
C’était le temps des fleurs…
Où les politocards en avaient dans le falzar, et à défaut de le mettre sur la
table, savaient manier leur langue autre part que dans la boîte à ouvrage de
madame ou sur le sceptre à béchamel de leur copain… Aujourd’hui, il suffit de
deux moustachus syndicalistes à haleine à relever une momie pour que le Pepère’s
Lonely Socialo Branquignols Band recule à vitesse supersonique, lâche du lest
et présente quinze jours plus tard une version édulcorée qui risque fort de
finir roulée en cornet et profondément dans le derche du Pétillant, selon le souhait
majoritaire…
C’était le temps des fleurs,
le temps où l’on regardait Catherine Langeais en noir et blanc à la télé, où l’on
fumait sans filtres et sans complexes, où l’on roulait sans limitation et sans
ceintures au travers des vingt-et-une régions françaises nouvellement créées…
Aujourd’hui, on se vautre dans le ridicule des noms des nouvelles treize
régions… Si le Nord avec ses « Hauts-de France » ne s’en sort pas
trop mal (je suppose que le Sud va hériter de « Bas-de-France »…), l’Est
se tâte le bretzel avec des propositions curieuses et grotesques comme « Nouvelle
Austrasie » ou Acalie… Alors que l’élégant « Rhin et Champagne »
serait doucereux comme un bon Gewurtz…
Et le 14 mars 1970 s’ouvre l’Exposition
Universelle d’Osaka, qui durera jusqu’au 13 septembre, appelée là-bas « Nihon
bankoku hakuran-kai » et qui a pour thème « Progrès et harmonie pour
l'humanité ». Soixante-dix-sept pays y participent, et plus de 64 millions
de personnes la visiteront. C’était le temps des fleurs… des fleurs de
cerisiers japonais…
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