- Dites voir, M’âme Badrignard, au lieu de tâter les
melons comme si c’étaient les réservoirs à semence de vot’ pauv’ Raymond, vous
savez ce qu’on raconte ?
-
Ah ben voui !…
-
Ah non, si vous commencez comme ça, moi je ne joue plus hein !
-
Alors, non… non, non, ch’ais pas M’âme Jeanssen ce qu’on raconte…
-
Ouais, ben j’préfère comme ça… Non mais des fois !
Reniflement
de goutte au nez bien sonore et grattage de bas à varice qui vrille sur la
charentaise à la propreté douteuse, puis plus bas, sur le ton de la confidence
que personne ne doit entendre comme lorsque l’on glisse mezzo voce à sa voisine
de prie-Dieu « j’vais aller communier juste pour voir si la jupe plissée
de la crémière, c’est bien du jersey mercerisé… parce que la semaine dernière,
l’hostie du curé, elle était pas fraîche, j’en ai mangé tout mon
dimanche » :
-
Eh bien figurez-vous que d’après ce que j’ai entendu de la bouche de M’âme
Pichet qui le tenait d’une relation de la concierge du chauffeur de l’aide de
cabinet du sous-secrétaire d’état aux placards à porte KZ, il paraîtrait à
c’qui paraît que Ségolène Royal serait dans les coulisses en position
intéressante pour rentrer dans le Gouvernement…
-
Pas possible ! Elle qui est toujours bien coiffée qu’on dirait qu’elle a
fait un décollement de racines avec une coupe au carré qui a raccourci la nuque
en gardant toute la longueur bien laquée par la Cadonett Maxi-tenue… Elle
serait bientôt introduite en haut lieu ?
-
Ecoutez voir, elle s’est déjà faite introduire par le Président dans ses Pays-Bas,
alors vous savez, sur le coup d’une colère saine, elle peut rentrer à
l’intérieur… Vous me direz que ça vaut mieux, déjà qu’on a honte de la sortir
de peur qu’elle lâche une insanité…
-
Vous croyez qu’elle a des vents incontrôlés ?
-
Mais non ! Qu’elle est cruche celle-ci ! Son entourage craint
toujours qu’elle balance une idiotie de la carrure de sa bravitude sur la
Grande Clôture…
Hochement
de tête entendu de M’âme Badrignard qui finit de tâter mollement la cagette de
melons déjà bien blets…
-
Donc on sortirait Valls de l’Intérieur pour qu’il prenne l’air…
-
Ben voyons ! Déjà qu’il brasse de l’air, le petit hargneux, s’il prend
l’air, il va faire de l’aérophagie et va nous rejouer l’évasion de Gambetta en
ballon !
M’âme
Badrignard part d’un petit rire nerveux qui fait craindre soudainement pour
l’intégrité de son dentier pourtant solidement arrimé par la colle à dentier
Polident vanté par Jackie Sardou qu’elle aime tant…
-
Ah, vous alors, M’âme Jeanssen, vous avez toujours le mot pour rire, on croirait
entendre les Grosses Têtes de Philippe Bavard sur Radio Luxembourg… Ah moi
j’aime bien cette émission, on ne se culture jamais assez, on rit beaucoup
quand Sim raconte l’histoire de la pute à la jambe de bois, et puis j’aime bien
la voix de Léon Zitrone, on croirait toujours qu’il va eurovisionner depuis
l’Abbaye de Westminster…
-
C’est ça, comme ça, ça vous humidifie la gaine Sloggi… plus besoin de
prélavage !
-
Oh dites, M’âme Jeanssen, j’ai lu dans Ici France Dimanche qu’une jeune mère de
famille est partie aux sports d’hiver avec deux enfants et qu’elle en est
revenue avec un troisième…
-
Comment ça ? Elle en a kidnappé un, c’te écervelée amatrice de
téléréalité, ou alors elle a couché avec une photocopieuse ?
-
Non, non, elle ne savait pas qu’elle était en état d’espérance… elle avait
attribué son gros ventre à une crise d’aérophagie…
-
Vous plaisantez ou vous rigolez ? Si maintenant, les jeunesses
d’aujourd’hui ne savent plus différencier de l’air dans le bide qu’on élimine
en pétant un bon coup d’un polichinelle dans le tiroir ; eh ben alors, on
est pas près de revoir jouer le miracle de l’Annonciation, avec l’Immatriculée
Contraception dans le rôle principal !
Glissement
de terrain, M’âme Badrignard jaugeant désormais de la dureté et de la verdeur
du poireau du primeur…
-
Non mais vous avez pas fini de lui faire reluire le poireau à M’sieur
Serpentin ? Vous trouvez pas que ses visites nocturnes à M’âme Goureau lui
ruinent suffisamment la santé ? Déjà qu’il a une langue tellement chargée
qu’on dirait un rôti de veau pour huit avec les câpres en prime…
-
Oh ben vous savez, il me dirait oui que je ne lui dirais pas non…
-
C’est ça ! Pour que ça se sache dans le quartier, et que ça jase, comme la
fois qu’on a appris que le Président allait tremper son croissant dans le four
à pain de l’actrice déviante ?
-
Pourquoi vous la traitez de déviante, M’âme Jeanssen ?
-
Parce que vous trouvez qu’une demi-vedette qui est obligée de se coller une
serpillière entre les jambes pour pas saloper son lino dès qu’elle voit un type
avec un casque de scooter, c’est normal, vous ?
-
Ah ben non, vu comme ça, forcément…
Cachant
son trouble, M’âme Badrignard s’emploie alors à ne pas lâcher la grappe de
Monsieur Serpentin, histoire de se donner une contenance, parce que le raisin,
il paraît que ça a un effet vitrifiant, d’après les conseils beauté de Brigitte
Lahaie dans le dernier numéro de « Votre beauté, Madame »…
-
Oh dites, vous avez entendu à la radio qu’à ce qu’il paraît, la cigarette
électronique ferait un tabac…
-
Ben évidemment ! C’est ce que me disait toujours mon pauv’ Léon quand il
voulait que je lui pratique une fantaisie buccale avec la bouche… Ah la
la ! Quel cochon cui-la ! Toujours à me la faire bouffer crue le
samedi soir, pendant vingt-cinq ans, alors qu’il fallait que je reste à jeune
pour communier le dimanche !
-
Et qu’est-ce que vous faisiez alors ?
-
C’te question ! Une fois qu’il m’avait collé sa limace tiède sous le
bridge que j’ai fait refaire en ’76, j’allais me rincer la bouche dans le bocal
à poissons rouges…
-
Ah, alors c’est pour ça qu’il disait toujours : le tabac tue, mais la pipe
détend…
-
N’empêche qu’une fois mort, je la lui ai coupé avant que les croque-morts le
mettent en bière… J’l’ai mise dans mon pot-au-feu, pour voir le goût qu’elle
avait une fois cuite…
-
Ah c’était donc ça, l’arrière-goût de roquefort…
Pour
le coup, c’est M’âme Jeanssen qui perd sa contenance, et vire au jaune bistre,
une faute de goût quand on sait qu’elle porte sa robe chasuble marron et son
sous-pull acrylique orange…
-
Oué, ben en tous cas, ça détend p’tet mais toujours est-il que c’est à force de
pipes qu’il est mort, le Quentin Elias…
-
Qui c’est, Quentin Elias ?
-
Mais ma pauv’ M’âme Badrignard, sortez un peu le dimanche au lieu de vous
infliger la discographie complète de Georgette Plana en 78-tours ! Quentin
Elias, c’est un ancien membre du boïss-bande Alliage… Ma petite nièce Déborah
avait tous leurs disques-compacts quand elle a eu sa puberté…
-
Ah oui, ça y est ! Je me souviens, le beau petit gars avec des muscles
bien saillants qui chantait toujours en se tenant les parties de peur qu’elles
tombent….
-
Ouais, ben sachez pour votre gouvernail qu’elles ne sont pas tombées, ses
parties puisqu’il s’est vu par la suite profondément introduit dans le milieu
du cinéma cochon pour messieurs… Ah ça, on peut dire qu’il a percé !
Écarquillement
d’yeux magnifique de M’âme Badrignard, ce qui la fait ressembler à s’y
méprendre à un Berliet plein phares ou à Marisol Touraine après une cigarette
qui fait rire…
- Vous voulez dire qu’il a fait de la
cinématographie obscène et homosexuelle avec des hommes ? Mais qui vous a
dit ça ?
-
Eh ben, le fils de M’âme Pichet, le jeune Guy-Louis, celui qui se promène
toujours avec sa jaquette bien flottante… Et si vous voulez mon avis, même si
vous le voulez pas, vous l’aurez pour le même prix : il se dit que ses
films pêchaient gravement par le manque de dialogue…
-
Ah voui ?
-
Ben tiens ! Répéter pendant une heure et demie à tire l’haricot à qui veut
bien l’entendre « oh oui oh oui oh oui, vas-y mets-moi-là toute » (un
peu comme M’âme Bertholet du cinquième qui ouvre sa porte à tous les
représentants qui z’y viennent pas que pour représenter mais pour lui montrer
le Napoléon d’Abel Gance sur trois écrans et son stéréophonique et lui offrir
la ménagère complète en quarante-huit pièces et le légumier en prime)… Ben vous
me direz ce que vous voulez, mais ça, c’est pas du cinéma de premier plan,
divertissant comme il faut pour les familles…
-
Ah oui évidemment, avec de telles lacunes, pas étonnant qu’après, tout le monde
s’en branle…
M’âme
Jeanssen secoue la tête d’un air entendu, au péril de sa mise en plis, avant de
lâcher dépitée :
-
Que voulez-vous, c’est quand même honorable de donner du travail aux gens, déjà
qu’avec ce qu’on nous dit dans le poste que la courbe du chômage sera retournée
que dans un an et que c’est la faute au Premier Sinistre s’ils ont annoncé ça
déjà l’année dernière qu’ils se sont mis le doigt dans l’œil jusqu’au coude…
Mais franchement, à leur faire tourner de telles bêtises, pas étonnant que plus
un acteur ne veuille plus se casser le cul au travail…
-
A qui le dites-vous, ma pauv’ M’âme Jeanssen…
-
Mais à vous, triple buse !
Regard
penaud de M’âme Badrignard sur son cabas, ce qui lui permet de reluquer le
dernier « Confidences », et de trouver un dérivatif :
-
Dites, M’âme Jeanssen, vous avez vu qu’aujourd’hui, 28 février, on fête
l’anniversaire de l’assassinat par meurtre en 1986 du Premier ministre suédois
Olof Palme, abattu à bout portant par un inconnu alors qu'il sortait
paisiblement d'un cinéma de Stockholm, au bras de son épouse Lisbet.
-
C’est bien fait ! Ils l’ont encore dit chez Julien Courbet l’autre jour,
c’est très mauvais l’huile de palme…Non mais !
