vendredi 16 mai 2014

Brèves du 16 mai 2014

Me donnerait-on un jour la possibilité de me réincarner que j’ai déjà une idée derrière la tête… Je me verrais bien dans le Paris des années 1950-1960, écumant les cabarets qui à l’époque vivaient encore leur âge d’or… Non, je ne m’imagine pas en poivrot notoire… Mais plutôt en chansonnier, après les délicieux commentaires qui ont été portés à mon endroit suite à la chronique d’hier… Et aussi parce que j’ai été le témoin involontaire d’une conversation entre M’âme Jeanssen et M’âme Sauzède ce matin même…

- Dites voir, M’âme Jeanssen, vous avez entendu le raffut de tous les diables qu’ils ont fait dans l’immeuble hier soir ? Si c’est pas malheureux de voir des choses pareilles…
- Non mais si ca continue, ça finira pas, au train où vont les choses, il va finir par dépasser les bornes de limites, le dégarni du second…
- Toute la soirée à écouter des machins qu’on entend plus qu’avec un gramophone à rouleau…
- C’est ça oui, exagérez encore un peu et vous me direz qu’il écoutait des disques en silex avec un saphir en corne de mammouth…
- Ah ben non quand même pas… Mais c’était quand même bien d’entendre ces voix oubliées…
- Ah ça, j’dois dire c’qu’y est… ça m’a replongé dans ma jeunesse quand mon Raymond m’avait emmené en voyage à Paris après qu’il ait eu gagné le dixième à la Loterie Nationale… On était allé à la Tête de l’Art écouter…. Comment c’est qu’il s’appelait déjà… Ah oui ! Jacques Bodoin ! Vous savez, celui qui mettait en scène son fils Philibert…
- Ah voui, je me souviens, c’était le bon temps où les chansonniers avaient quelque chose d’intelligent à dire… Tandis que de nos jours… C’est quand ils se taisent qu’ils ont l’air le plus intelligent…

Vous avez raison, mesdames, la veine des chansonniers s’est irrémédiablement tarie, et les quelques amuseurs qui de nos jours tentent de perpétrer cette tradition font pâle figure en comparaison de leurs illustres ainés…

Sans doute n’allez-vous pas connaître la majorité des noms qui vont être cités, mais je ne saurais que trop vous conseiller d’aller fureter sur le net pour écouter certains de leurs sketches ; vous constaterez qu’à l’époque, on ne riait pas aussi bêtement que de nos jours. Enfin, si vous les comprenez…

Evidemment, vous trouverez ça daté, vieillot, ringard… Mais si vous êtes honnêtes, vous conviendrez que cela pouvait être très grivois sans être vulgaire… En ces temps-là, on pouvait très bien parler de cul en ne parlant que de la fesse…

Un des spécialistes des histoires salées (qui étaient à l’époque « interdites au moins de dix-huit ans » comme le rappellent les pochettes de disque) était Jean Rigaux, qui émaillait ses interventions d’onomatopées diverses et de bruits incongrus… Ah il est bien oublié des générations actuelles !

Oubliée aussi Anne-Marie Carrière, une des rares femmes à avoir percé dans ce milieu très masculin, et qui régalait son auditoire de monologues en alexandrins pertinents et percutants. Elle fut également un des piliers du Francophonissime où elle représentait Télé Luxembourg…

Oublié les Pierre-Jean Vaillard et ses portraits acides égrenés d’une voix pédante ; les Raymond Souplex qui avant de rencontrer la gloire dans le rôle de l’Inspecteur Bourrel des Cinq Dernières Minutes fit une brillante carrière au cabaret ; les Jacques Grello et Robert Rocca qui animèrent la Boîte à Sel sur la RTF ; les Pierre Doris et son chapelet d’histoires salaces et cruelles ; les Roger Nicolas et son « écoute, écoute » niaiseux…

Remisés aux oubliettes les Frères Ennemis et leur délicieux sens de l’absurde ; les Jean Valton et ses inamovibles imitations pas toujours très drôles ; les Christian Méry et ses histoires corses ; les Pierre Dac et ses petites annonces au non-sens irremplaçables…

N’ont survécu à ces années dorées que de vénérables vestiges tels Jean Amadou à la plume mordante, Jacques Mailhot ou encore Bernard Mabille qui a offert à Thierry Le Luron quelques sketches inoubliables…

La relève ? Canteloup est le meilleur prétendant au trône avec des textes qui évitent la plupart du temps la vulgarité gratuite, secondé par Ruquier qui se disperse un peu trop en gaudrioles radiophoniques de plus en plus brouillonnes et de moins en moins frappées au coin de la finesse… Dommage que Gerra, au demeurant brillant imitateur, se soit laissé entraîner sur la pente du prout-prout scatologique par des auteurs peu distingués…

Ecoutez donc « La table de multiplication », « La panse de brebis farcie » de jacques Bodoin, le « Nocturne » de Pierre Dac, l’intégrale des Frères Ennemis, et vous découvrirez le moyen de ne pas rire idiot…

Heureusement, au fil de rencontres facebookiennes, on peut s’apercevoir que cet esprit n’est pas complètement mort, notamment quand on arrive à lire que « réussir aux USA, c’est avoir la bonne idée au bon moment ; alors qu’en France, c’est sucer la bonne bite au bon moment »…

Certes, l’actualité ne se prête pas toujours à ce genre de pirouettes… Et honnêtement, que la pouffe de Nasri pète un plomb parce que cette connasse en short n’a pas été sélectionnée pour partir au Brésil, franchement on samba les couilles… Au moins de cette manière ne sera-t-elle pas cocue…

Réconfortons-nous au pied de ce week-end en lisant les confidences des ex-ministres de Flamby qui balancent fort peu élégamment sur le locataire de l’Elysée… Avec des amis comme ça… pas besoin d’ennemis !

On pourra aussi s’intéresser aux derniers potins du Festival de Connes, si vous n’êtes pas déjà complètement saturés du déversement d’infos sur les projections (autant celles faites sur les grands écrans que celles réalisées dans les chambres de bonnes, sur la moquette ou au fond de la piscine)… Quel dramatique non-événement en fait, avec ces remous frissonnants sur le film consacré à la Princesse Grace et les kilomètres de pellicule gâchée pour des starlettes dont on aura oublié le nom dès demain…

Non, franchement rien de tel qu’un bon bouquin si tant est que Marc Lévy ou Amélie Nothomb n’aient rien publié récemment, un bon vieux DVD d’un De Funès survolté, ou une soirée entre amis auprès d’un feu de cheminée…

Et le 16 mai 1968, c’est le début de l'occupation du Théâtre de l'Odéon en accord avec son directeur, Jean-Louis Barrault qui, et cela est véridique, offrait des sandwiches au Canigou aux étudiants… il a arrêté le jour où ils commençaient à remuer la queue en ouvrant la boite… Merci cher Pierre-Jean Vaillard d’avoir fixé sur disque ce point de l’histoire !

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