Le Te Deum de Marc-Antoine Charpentier retentit dans la
pompe cuivrée de ses trompettes impétueuses alors que la rosace étoilée de
l’Eurovision frappée en son centre de l’ovoïdal sigle de l’ORTF s’affiche sur
l’écran tremblotant en noir et blanc…
Et
cette voix, reconnaissable entre toutes, cette voix qui a marié toutes les
têtes couronnées pendant plus de trente ans, qui a enterré tous les potentats,
vieilles gloires et apparatchiks cacochymes qui ont eu le malheur de déquiller
durant son règne télévisuel, qui a commenté tout et le reste sur le réseau
Eurovision, de la troisième à Vincennes à l’obscure compétition de patinage sur
glace de Morzy-Les-Joyeuses, qui a inondé de son irrépressible logorrhée
plusieurs éditions du Concours de la Chanson Européenne, s’élève, pompière et
obséquieuse à souhait :
Mesdames,
Mesdemoiselles, Messieurs, ici Léon Zitrone qui vous parle en direct au micro
de l’ORTF depuis la salle du trône de la Principauté des Brèves-de-Presque.
Nous allons assister, grâce aux douze caméras de Georges Folgoas judicieusement
disposées aux endroits stratégiques tout en se fondant harmonieusement sous les
tentures vieil or nappant généreusement les deux cent vingt trois mètres carrés
de la salle d’apparat où sont réunis, comme vous pouvez actuellement le voir
sur vos écrans, tout le gratin dauphinois, tous les glands de ce monde et une
poignée non négligeable de têtes couillonnées, de fins de race et, pour faire
bonne mesure, une subtile pelletée de consanguins à particule…
Vous
apercevez à l’instant, élégamment habillée d’une tenue en lamé or rehaussée de
brocarts pourpres à motifs marins, son Altesse Sérénissime l’Archiduchesse
Cunégonde de la Mottenfeu, qui porte le diadème princier en rubis et diamants
roses offert par le Prince Consort, avec les poubelles, Otto-Mobil de
Habsbourg-Gotha en souvenir de la prise de la smala d’Abd El-Kader par les
troupes du Duc d’Aumale en 1843… A ses côtés, plongé dans la lecture
monomanuelle du dernier numéro de Paf Gadget, le magazine de ceux qui marchent sur
la lune, sa Sainteté le Pape Pie VII, le seul Pape qu’il faut langer
quotidiennement pour éviter les fuites de ses bulles papales, la mitre à la
main et revêtu de sa chasuble d’apparat, en cachlick mercerisé couleur crème,
tenue honorifique réservée aux grandes occasions liturgiques et à la cueillette
des choux-fleurs nains en Basse Breatgne les jours de grande marée…
Alors
qu’au plafond les huit lustres en bronze massif chaussés d’exactement cent
quatorze lampes de soixante watts chacune brillent de tous leurs feux, dans une
apothéose de gloire qui n’est pas sans rappeler celle de Jules Isidore
Paudemurge ornant crânement le siège central de la Sécurité Sociale et
intitulée « Feuille de soins attendant un remboursement », je
distingue nettement l’entrée par la porte dérobée du fond à gauche des
premières brouettes de futilités qui vont assurer l’essentiel de cette
transmission, diffusée dans pas moins de dix-huit pays par le truchement
technique de l’Eurovision…
Alors
que le silence se fait dans l’assistance emperlouzée à outrance et à peine
moins décorée qu’un sapin de Noël sur la place des Quinconces à Bordeaux, vous
distinguez grâce à la caméra huit de Georges Folgoas l’entrée en matière et en
gamme de la superbe gamelle que Barack Obama s’est récoltée lors des élections
de mi-mandat, contenant à grand peine les risques de perte de la chambre haute
du Congrès ; conséquence prévisible d’une politique faiblarde qui n’a rien
à envier à l’ahurissant immobilisme du Président français, François Tout-Mou…
Le
temps pour moi de vous rappeler que le tapis du maître-autel de la salle du
trône, réalisé en coton brut mordoré de Rhodésie Orientale, est d’une épaisseur
de dix centimètres, que déjà s’avance dans la lumière des projecteurs la
superbe casserole en fer blanc massif de Nicolas Sarkozy, le Mais-non de la
France de 2017… Ah non, je vous prie de bien vouloir m’excuser, mes fiches sont
embuées, je ne vois plus rien, on m’a cassé mes lunettes et les couilles,
Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa n’est pas le Mais-non, mais le Messie, mais si…,
malgré la mise à jour de ses deux millions d’euros gagnés à coup de conférences
de presse à 150.000 boules l’intervention…
Serrant
de près cette superbe casserole sarkozienne tenue à bout de bras par Liliane
Bettencourt, Mémé Shampooing au liquide qui fuit de toutes parts, vous admirez
en gros plan la remarquable planche savonneuse de fabrication UMP sur laquelle
virevolte avec la grâce d’une Surya Bonaly en combinaison moulante laissant
apparaître des cuisses qui rempliraient bien la main d’un honnête homme, Jérôme
Lavrilleux, qui après un superbe triple lutz piqué se voir définitivement exclu
de l’UMP… Le public applaudit fort cette magnifique prestation et s’apprête à
donner une excellente note qui va incontinent s’afficher sur le tableau
marquoir…
Mais
on m’indique depuis Cognacq-Jay que les téléspectateurs français ont été
victimes d’une courte interruption d’image sur le réseau Eurovision qui les a
privés de l’excellent 10/10 récolté unanimement par Jérôme Lavrilleux et qui
relance la France dans la course au Grand Prix Urovision, mais cela n’a que peu
d’importance en vérité puisque voilà déjà l’entrée en majesté du sondage
présidentielles 2017 plaçant en tête des intentions de votes Marine Le Pen,
sobrement habillée de l’uniforme de gala vert de gris de la Wermacht et la tête
ceinte du casque à pointe ramené des usines Messerschmitt par Georges Marchais,
une tenue qui fera certainement Führer dans les chambres à gaz, mais ce n’est
qu’un détail qui risque de faire un four…
Peut-être,
chers amis téléspectateurs, entendez-vous le murmure de désapprobation qui
parcourt la brillante assistance alors que se présente sur le char de l’Etat la
possible surtaxe d’habitation des résidences secondaires envisagée par le
Ministre de Vos Sous, toujours armé de son aspirateur à pognon. Le vif débat
suscité par cette énième mesure de ponction de la bourse à économies
désespérément plate des contribuables est symboliquement représenté par un
bucolique panier de crabes, dont on m’indique qu’ils seront dégustés lors du
buffet subséquent avec une sauce cocktail et un Château Lapompe cuvée Zahia…
A
cause du manque de temps, vous pouvez désormais observer que le cortège des
futilités s’ébranle frénétiquement et à deux mains, ce qui n’est pas sans
causer quelques vapeurs à son Altesse Révérendissime la Princesse
Aulx-Petipoix, dernière héritière du trône du Grand Duché de Bourremoi-Lemou,
dont les ululements de plaisir à peine contenus dans sa gaine Damart désormais
irrémédiablement souillée, ont fait se fendiller les appliques en cristal de
Bohème de la salle du Trône, offrande expiatoire à Notre Drame de la Bravitude
après l’invasion de peste socialiste de 1981…
Il
me reste juste assez de temps avant les annonces de Denise Fabre,
invariablement flanquée de son sourire de décapsuleuse, et le journal de Roger
Gicquel, toujours en direct du Père Lachaise, pour vous rappeler que le 5
novembre 1964 marque la première apparition des Pierres qui Roulent à la
télévision française avec deux titres « Carol » et « It’s all
over now ».
Et
le 5 novembre 1977, le monde de la BD porte le deuil du papa d’Astérix, René
Goscinny qui décède lors d’un test d’effort à l’occasion d’une visite médicale.
Scénariste virtuose à l’inventivité et à la qualité des textes loués de tous,
le rédacteur en chef du journal Pilote (mâtin, quel journal !) donna ses
lettres de noblesse au Petit Nicolas, à Iznogoud, à Lucky Luke et leur chance à
Reiser, Mézières, Giraud, Fred…
Mesdames,
Mesdemoiselles, Messieurs, je vous souhaite le bonjour, ici Léon Zitrone au
micro de l’ORTF en direct et en Eurovision depuis la salle du trône de la
Principauté des Brèves-de-Presque, à vous Cognacq-Jay, à vous les
studios !
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