Les occasions de se marrer sont décidément trop rares ces
jours-ci, me disait encore hier matin M’âme Jeanssen devant l’étal du
poissonnier qui tentait de lui vendre sa raie trop gluante pour être réellement
péchée du matin même… Et je vous le dis comme je le pense, rajoutait-elle avec
une moue de dégoût devant la raie visqueuse du poissonnier aux doux relents
ammoniaqués de parc à moules à marée basse, puisque c’est mon pauv’ Raymond qui
me le répétait sans cesse, lui qui ne rigolait avec du Thermogène sous le
Damart…
Faites-nous
marrer, c’est l’antienne que je prends dans la bobine depuis le tragique
exercice de tir sur cibles mouvantes à Charlie Hebdo… Je veux bien, et je
m’emploie quotidiennement à tenter de vous dérider avec mes calembredaines
alambiquées. Mais si nos politiques nous volent la vedette, je n’ai plus qu’à
raccrocher la plume et aller pointer au Pole Emploi du quartier.
La
chose n’est pas nouvelle, certes, et l’on se souvient avec un sourire béat au
coin des lèvres des extraordinaires imitations de Thierry Le Luron par un
Chaban-Delmas pérorant au perchoir de l’Assemblée Nationale. On a tous dans un
recoin de notre mémoire les envolées lyriques grammaticalement risquées de
Georges Marchais, qui avait toujours un scandale à nous sortir de sa musette.
On célèbre de loin en loin l’époustouflant duo de perruches de Georges Séguy et
d’Edmond Maire qui a fait se boyauter la France entière. On se remémore à la
veillée les colères noires de Jean-Luc Mélenchon avec des yeux qui s’embuent.
Et
le moins que l’on puisse dire est que la nouvelle génération de politiques
assure la relève avec un brio qui force le respect…
On
pourra, en guise d’apéritif hilarant, se repasser les meilleures bourdes de
Nadine Morano, ça détend les zygomatiques encore mieux qu’une bouffée de Frères
Ennemis concentrée… Et l’on se repassera en boucle sa dernière sortie avec le
risque de se tremper la culotte tant on est certain de rire à gorge déployée…
L’ébouriffante
blonde n’a pas frémi en lâchant qu’un bon musulman de France, ça mange du porc…
Je vous laisse essuyer d’un revers de manche encore secoué de spasmes rigolards
votre rimmel qui coule à grosses gouttes noirâtres sur vos joues rosies par une
telle tranche de rigolade, et je vous pose brutalement la question :
Est-ce
qu’un bon français de France, ça bouffe du camembert en tartines avec le café
au lait matutinal, est-ce que ça fume des Gitanes maïs et est-ce que ça descend
des litrons de gros rouge à l’apéro ?
Franchement,
je vois d’ici la scène… Un soir de grande prière à la mosquée du coin, avec
l’assistance en train d’exécuter avec zèle les exercices de génuflexion propres
à l’accomplissement de leur devoir religieux, dans les effluves de pets
savamment évacués, de chaussettes fumantes et de thé à la menthe, le buffet
prêt à être englouti et surveillé avec des regards d’envie non dissimulés par
les muftis qui vont sacrifier à la charcutaille, aux sauciflards pur porcs et
aux pâtés innocemment alanguis dans leurs terrines…
Le
couscous aux jarrets de porc et aux saucisses de Toulouse préalablement frites
dans le saindoux, voilà une recette qui risque de causer des débordements
affamés lors du prochain pèlerinage à la Mecque…
Franchement,
avec une telle concurrence, la tentation est grande de raccrocher les crampons
et de se lancer corps et âme en politique… Les politiques reprochent aux
chansonniers de les prendre pour des cons… Certes, mais faut bien avouer que
c’est eux qui ont commencé…
Riez,
riez, car le contexte actuel n’est pas au beau fixe au-delà de nos frontières…
Déjà que nos amis belges n’avaient plus la frite depuis les derniers avatars de
politiques intérieure, voilà maintenant qu’ils en viennent à imiter les
français et flinguer à tout-va les djihadistes qui, par mégarde, s’étaient
implantés Outre-Quiévrain…
Nos
voisins wallons n’ont certes pas la frite… espérons que la suite des évènements
leur fera retrouver la banane…
Est-ce
la banane, l’odeur de l’after-shave du Ministre des Affaires Intérieures, ou
alors un pet nauséabond lâché par le chef de la diplomatie américaine ?
Les journalistes, en mal d’infos sensationnelles depuis près d’une semaine se
perdent en conjectures… Toujours est-il que Fabius et Kerry ont déposé des
gerbes devant Charlie Hebdo (tiens, ils avaient lu le dernier numéro ?) et
le supermarché casher (ah oui, les produits cascher n’embaument pas toujours la
rose)…
Alors
que les deux pontes se vidaient les tripes devant les lieux des tragédies,
Jean-Luc Mélenchon disait adieu à Charb en prononçant un discours remarquable,
nettement meilleur que ses habituelles fantaisies politiques… Il y avait du
Malraux dans la Merluche aujourd’hui… « Entre ici, Charb’, avec ton
terrible cortège de bites et de mots orduriers »… Ah, ça aurait eu de la
gueule !
Comme
ça avait de la gueule ce 16 janvier 1945 la rentrée au Théâtre de l’Etoile
d‘Edith Piaf… A ses côtés, Yves Montand qui, fidèle à son nom, l’avait
évidemment montée… Comme toujours, la môme sut captiver et charmer son public…
Parce que si les occasions de se marrer sont rares, il faut savoir aussi saisir
celles de s’émouvoir…
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