- Dites, vous ne savez pas
où je pourrais trouver des boules par hasard ?
- Des boules parazar ?
- Oui, des boules par hasard…
- Vous tenez absolument à ce
que ce soient des boules parazar ?
- Non pas forcément, mais
comme c’est introuvable, si vous en trouvez, ce sera surement par hasard…
Si j’avais eu l’outrecuidance
d’oser toucher à un iota de ce petit chef d’œuvre d’humour absurde des Frères
Ennemis, j’aurais évidemment remplacé les boules par Charlie Hebdo… Quoique, les
acheteurs devaient les avoir de ne pas l’avoir…
Habitué à rechercher l’introuvable,
et à parfois le trouver, ce qui tendrait à démontrer que l’introuvable qui se
trouve ne l’est pas par définition… (et inversement comme aurait rajouté Pierre
Dac), je m’étais armé de patience, puisque les kalachnikov sont très mal vues à
Charlie Hebdo depuis huit jours, et je m’apprêtais à une traque longue, dure et
nécessitant d’aller vraiment au fond des choses…
Quand on est à la recherche
du maxi-45 tours mexicain du remix franco-anglais de « Parlez-vous
français ? », la chanson luxembourgeoise du Concours Eurovision 1978,
les deux test-pressing portugais avec les versions française et anglaise de la
contribution eurovisuelle lusitanienne de 1975, voire le 78-tours allemand à
pochette personnalisée du 1er Grand Prix Eurovision 1956, on se dit
qu’après tout, la quête matutinale de Charlie Hebdo s’annonçait comme de la
roupie de sansonnet et que de quête, ce ne serait au final qu’une toute petite
qué-quête… Ce qui n’est pas pour déplaire aux dessinateurs dudit journal, qui
aiment à dessiner souvent des femmes à poil, des hommes à barbes (à poils,
donc) et des religieuses dans des positions kama-sutresques que la morale
chrétienne réprouve (sauf lorsque c’est Monsieur l’abbé qui entreprend son
vicaire ou Christine Boutin) mais que la libido réclame…
Je sentis néanmoins la
qué-quête précitée grossir sous la douche (non, non, pas de manipulations à
visées satisfactoires) en écoutant Inter ce matin et les dépêches d’épuisement
des stocks… Allons bon ! Voici donc des français capables de se lever à
six heures du matin pour aller faire la queue (il en faut toujours une dans le
cadre d’une qué-quête) devant le kiosque et récupérer le précieux graal…
Remarquez, ils sont capables de se crêper le chignon à l’ouverture des soldes,
de regarder l’intégrale des Concons à Cancun sans se balancer par la fenêtre,
de voter pour Marine et de devenir hystériques devant l’Amour est dans le pré…
Et arrivé chez mon buraliste
favori, vlan ! Il me le sort sur le ton de la confidence, un peu comme le
BOF sous l’occupation qui extirpait de la glacière une demi-livre de beurre
rance… Ah ben merci ! Moi qui m’apprêtait à rechercher l’impossible
chanson suisse du Grand Prix 1964, me voila devant la deuxième pochette de la France
1977, le courantissime « L’oiseau et l’enfant »…
Bref, j’ai acheté Charlie
Hebdo… Et je n’ai pas fait de bête selfie avec le journal… Non, je n’ai pas
fait comme ces connards qui en ont acheté trente exemplaires juste pour tenter
de se faire du fric sur ebay… Non, je n’ai pas l’intention de le revendre en
multipliant par l’exponentielle de dix puissance un paquet… Non, je ne fais pas
partie de cette race de décérébrés charognards qui tenter de gratter quelques
euros…
D’autant que ces connards ne
se rendent même pas compte qu’avec un tirage de cinq millions, ce numéro ne
sera pas du tout rare, ni recherché… Un tirage de cinq millions… Il paraît que
Nabila voudrait travailler chez Charlie Hebdo, pour elle aussi atteindre un tel
tirage…
C’est vous l’avez vu le
raz-de-marée Charlie…. On voit des couvertures vertes partout ; du
cadrillon à scooter et costume gris mouleburnes à la bourgeoise grand teint en
passant par la cagole marseillaise (qui va tenter d’apprendre à lire pour l’occasion),
tous veulent se faire voir avec leur Charlie… Pas pour le lire, non, non, ils
ont toujours pensé que c’était un torche-cul gaucho vulgaire et irrévérencieux,
ça ne va pas changer maintenant que les enturbanés ont fait du ménage dans la
rédaction…
Les enturbanés qui ont sans
doute été encensés par Dieudonné, l’amateur de quenelles au goût saumâtre… Et
qui a été placé en garde à vue pour apologie du terrorisme… Ah ben quand même !
Il était temps ! Depuis le temps qu’il ne faisait plus marrer personne, le
teigneux…
Du teigneux, on passe au
pouilleux qui ressemble plus à un goélan qui a fait vingt-cinq ans de tas d’ordures
qu’un fringuant écrivaillon… Michel Houllebecq prétend avoir peur, puisqu’après
les attentats de Charlie Hebdo « plus rien ne sera plus comme avant »…
Bravo Michou ! De même qu’on ne voit plus la mire de l’ORTF à la télé, on
ne passe plus par le 16 pour avoir la province au téléphone, et qu’on n’entend
plus Dario Moreno chanter en direct à la radio…
Eh non, plus rien ne sera
plus comme avant… Fini, le temps où vous pouviez rouler ronds comme des queues
de pelle sans boucler votre ceinture de sécurité (d’ailleurs, y en avait pas !)…
Révolu, l’époque où vous fumiez comme des pompiers (je n’ai pas parlé de fumer
des pompiers hein !) dans les lieux publics… Envolées, les années où vous
baisiez à couilles rabattues sans autre frousse que celle de choper la chtouille
ou un gosse… Evaporés, les lustres où l’on se marrait sans arrières-pensées et
sans levée de boucliers des femmes, des juifs, des arabes, des noirs, des pédés…
Maintenant… Maintenant, on
se fait flinguer parce qu’on se marre, pas toujours avec la plus grande
finesse, certes, de la religion du voisin… Maintenant, on se fait descendre
parce qu’on aime la carpe farcie, les chandeliers à sept branches et qu’on
manque de peau… Maintenant, on s’en prend pleine la tête parce qu’on applique
la plus élémentaire des libertés : celle de l’expression…
Et si en plus, on baisse le
taux du livret A à 0,25 %, alors là, non, plus rien ne va !
Rien ne sera plus comme
avant, non… Si on m’avait dit qu’un jour, je serais d’accord avec Houellebecq…
Et, comme un écho
bizarrement acéré à la triste actualité, le 14 janvier 1966, Truman Capote
publie « De sang froid », un roman de non-fiction reflet de l’horreur
humaine… Mettant en lumière, avec une précision quasi-journalistique, le visage
très humaindes assassins, Truman Capote livre là son meilleur bouquin… mais
perdra là inspiration et succès… De sang froid… ça pouvait se passer dans le
Kansas en 1959 ou à Paris en 2015…

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