Bis repetita placent…
Dussé-je contrevenir aux assertions d’Horace et de son Art
Poétique, je ne suis pas intimement convaincu du bien-fondé inébranlable de
l’aphorisme introductif. Et je suis même tellement contrarié de sa versatilité
incessante que j’en serai acculé à convier tous les Suétone, Catulle, Lucrèce,
Tite-Live et tous les brimborions latinisants à embarquer incontinent en
pentécontère de luxe à destination d’Athènes…
Tout ce qu’on répète ne plait pas forcément à chaque fois,
et la deuxième transmission du Destination Eurovision 2018 français entre
fatalement dans ce cas de figure… Autant la première livraison des ariettes
destinées à se gaufrer méchamment à Lisbonne le 12 mai prochain avait le goût
de la nouveauté, la saveur de l’inédit et des prestations honorables à défaut
d’ébouriffer la perruque de Régine ; autant le deuxième service réalisé
par France 2 samedi dernier m’a laissé cruellement sur ma faim.
On y retrouvait certes Garou et son exercice de diction
version Canadovision et le triumvirat de jurés à qui l’on avait pris soin de
retirer toute once de sens critique. Mais la sensation de déjà-vu lassait le
téléspectateur moyen. Surtout qu’on avait tout fait pour saborder l’audience
dès le départ.
Débarquer sur la scène Morue Myriam muée en poisson-lune
avec une reprise soporifique du Grand Prix 2017 suivie par la 2675ème
interprétation de son impérissable « Oiseau et l’enfant » promettait
un tsunami de zappage…
D’autant plus que les candidats de cette deuxième
demi-finale ne vous collaient pas au plafond, surtout si vous étiez munis d’un
minimum de bon sens et d’un iota d’oreille musicale…
Revue de détail :
Lucie Vagenheim « My world » : La première
depuis le début du barnum eurovisuel français à s’être adjoint des danseurs,
qui n’apportaient rien à une soupe world dotée d’un refrain en anglais aussi
indigent que l’intégrale de Jul. La petiote bouge bien, mais elle chevrote trop
en chantant ce texte médiocre. Quand le contenu est faible, on meuble les
alentours… Rajoutons-y les réponses formatées à la Miss France, pour qu’au
final, ça ne décoiffe pas un chauve…
Madame Monsieur « Mercy » : Ah ! la
fameuse chanson à texte qui dénonce, sur un boum-boum électronique, et qui
dégouline de bons sentiments. Madame assure avec sa carrure de déménageuse
est-allemande mise en valeur par la tenue noire et Monsieur est muet, un bon
point. C’est entêtant, plutôt actuel mais guère emballant, avec ce risque de
double sens avec la signification anglaise de « mercy »,
« pitié »… Mercy pour nos oreilles… Eh bien, « mercy »
d’être passés nous voir et rendez-vous peut-être à Lisbonne…
Jane Constance « Un jour j’ai rêvé » : La
Gilberte Montagné junior de l’Eurovision avec la voix de la Reine des Neiges et
une chanson Disney cucul et pleine d’optimisme frelaté genre « j’ai vomi
des licornes à pompons et des arc-en-ciel de sirop de fraise ». Une
décalque musicale de « L’hymne à l’amour » version 17 ans qui se
serait fait bouler des éliminatoires israéliens en 1986. Ça ressemble à
« Envie de vivre » (Belgique 2000) en moins punchy, avec des paroles
validées plein pot par le Comité Miss France. C’est vieillot, au secours !
Un soir, j’ai cauchemardé…
Nassi « Rêves de gamin » : Le rebeu de
service qui fait caillera bon genre avec des paroles rase-bitume et une musique
plutôt festive, desservie par une chorégraphie chargée, un peu bazar et
fourre-tout. Du Kendji en plus viril, sympa mais quelque peu amateur, et en
plus, il s’essouffle sur la distance. Un petit goût de Stromae pas désagréable
pour un titre qu'il faut retravailler en simplicité pour la finale.
Igit « Lisboa Jerusalem » :Le Brel du pauvre,
très franco-français qui chante avec ses tripes une jolie valse assortie d’une
mise en scène très originale. Il installe en quelques secondes son univers et
nous y invite sans difficultés. C’est pas mal écrit et au final c’est le
premier, et le seul de la soirée, qui m’aura scotché. C’est très chouette avec
au final le cœur qui rappelle le logo Eurovision. Mais c’est du tout ou rien,
on adore ou on déteste. Un choix culotté pour Lisbonne.
Max Cinnamon « Ailleurs » : Alertes
« Playschool et Vianney » réunies. Le jeunot qui y croit et le montre
avec une chanson actuelle et pas déplaisante, aux forts relents de « Da da
dam » (Finlande 2011), fraîche et dépaysante. Max, qui a bénéficié du
syndrome « Gigliola Cinquetti » au moment du vote, est gentillet mais
devrait plus articuler et chanter bien dans le micro. Le bonus « jeunesse
spontanée » en finale ?
Sarah Caillibot « Tu me manques » : Coiffée
comme un dessous de bras et ensachée dans une robe de pute, la Barbara façon
Cindy Sanders nous gueule une chanson dépressive, grossière (le « putain
de bouquet ») et à l’ambiance piano-bar. D’accord, elle vit son morceau,
mais pendant ce temps, on regarde la montre en se disant « vivement que ça
finisse ». Si elle lui chantait ça sans répit, on comprend que son mec se
soit barré…
Sweem « Là haut » : Le sosie de Mans
Zelmerlow en version chauve possède une voix intéressante, pas toujours en
rythme, pour interpréter avec classe un titre aérien, plutôt captivant, qui se
retient bien mais qui manque d’un peu de punch et d’un gimmick inratable. Une
belle ritournelle à la Souchon mâtinée de Téléphone, qui coule comme du sable
entre tes doigts. Il n’aurait pas démérité en finale, mais c’était trop
incolore, au final…
June The Girl « Same » : Comme la semaine
passée, on s’est terminé sur la blonde de service, qui a laissé sa voix au
vestiaire pour enfiler son air d’Avril Lavigne et couiner un truc ni fait ni à
faire, à l’ambiance électro façon Amandine Bourgeois. C’est faux, c’est mal
chanté, c’est mauvais, et l’on dira merci à la voix trafiquée façon Cher du
pauvre. June, avec son charisme de poulpe anémié, se dandine sans raison…
« Same » donne pas envie de voter pour elle…
Au final, un résultat logique, encore une fois très
masculin, et à peine plus couillu que la semaine dernière. Gageons que Madame
Monsieur et Igit devraient tenir la dragée haute au Michael Jackson junior et à
la déménageuse saphique. A défaut de vrai suspens, puisque la voie royale de
l’envoi à Lisbonne en paquet fado de Lisandro, Mister Touchage-de-Coucougnettes
2018, se dessine de plus en plus, on devrait avoir un relatif suspens au moment
du vote.
Mention spéciale à Christophe Willem qui assume son côté
Père Fouettard (prends le fouet, il est sous le lit) et à Aminimir qui dans un
éclair de lucidité a rappelé que le style « Amandine Bourgeois » nous
avait coûté un flop en 2013.
Question audiences, la deuxième chaîne s’est classée
troisième, malgré une perte de plus de 400.000 téléspectateurs. Ce qui augure
du meilleur pour la grande finale de samedi soir prochain…
Rassurez-vous, tout cela n’est que l’amusement, et que l’on
soit au final OK ou KO avec le titre retenu qui devra nous emmener ailleurs,
Mamma nous dira ciao et mercy en envoyant Eva faire un voyage à Lisboa, un rêve
de gamin, en passant qui sait par Jerusalem…
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