Messieurs qu’on nomme grands,
Je vous fais une lettre,
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps…
Messieurs qu’on nomme grands, que je vous la fasse ou
non, cette fichue bafouille, elle atterrira dans le meilleur des cas au panier,
ou si le destin la fait surnager, elle sera traitée par l’armada de vos
cabinets respectifs, plus ou moins noirs, et j’aurais en retour le joli hochet
creux d’un courrier standardisé m’indiquant la bonne réception de mon honorée
du tant et que tout sera mis en œuvre pour y répondre dans les meilleurs
délais.
Messieurs qu’on nomme grands, ne me croyez pas
irrespectueux ou antirépublicain, ou Dieu s’imagine quoi encore par-dessus le
marché…
Messieurs qu’on nomme grands, je ne suis qu’un
français moyen parmi tant d’autres, coincés entre la France d’en-bas qui
irrite, qui dérange mais qui représente de toutes les façons un réservoir de
voix non négligeable, et la France d’en-haut, la France de l’élite, la France
des privilégiés qui pètent dans la soie, rotent du Mumm millésimé et se
désolent du temps qui passent sur des cadrans de Rolex en becquetant du caviar
hors de prix…
Messieurs qu’on nomme grands, je n’aime pas qu’on s’en
prenne à la République, et je suis, en bon coq gaulois, le premier à sortir mes
ergots quand on la sulfate à la Kalach’ ou qu’on envoie des citoyens ad patres
au terme d’un bowling camionnesque.
Messieurs qu’on nomme grands, en tant que bon coq
gaulois, je suis aussi le premier à chanter avec les deux pieds solidement
enfoncés dans la merde, et mon chant n’est que plus renforcé lorsque je suis
déçu par vous…
Messieurs qu’on nomme grands, vous me décevez. De la
gauche à la droite, d’une extrême à l’autre en passant par les rigolos de
services qui à force de danser le tango entre deux formations finiront par
avoir définitivement le cul entre deux chaises.
Messieurs qu’on nomme grands, vous vous prenez pour
l’émanation suprême de la crème de l’ambroisie hexagonale, l’odeur du pouvoir,
recherché ou obtenu, vous grise à un point tel que vous vous bouchez le nez de
dégoût lorsqu’il vous arrive de croiser un « sans dents », un
péqueneau, un mec qui n’est pas de votre bord.
Messieurs qu’on nomme grands, vous n’êtes que des
produits d’une administration servile et couchée, fabriquant des serviteurs de
l’Etat comme une usine fabrique des poulets pour la rôtissoire, vous n’êtes que
des pions interchangeables que le tsunami de la prochaine élection renversera
et engloutira dans l’anonymat de l’Histoire.
Messieurs qu’on nomme grands, vous vous voyez Pompée
(et vous l’êtes parfois sous les ors de la République par des escaladeuses de
braguette qui ne se content pas d’être payées en liquide), César ou Alexandre
le Grand ; vous n’êtes souvent que jocrisses, tartuffes hâbleurs et
guignols gesticulant pour masquer votre incompétence.
Messieurs qu’on nomme grands, cessez de jouer la
grande scène de l’acte II dès qu’on semble atteindre à votre illustre grandeur
et d’appeler à prendre les armes dès qu’une mouette vous médaille le revers de
votre costard à deux mille boules.
Messieurs qu’on nomme grands, vous promettez à
longueur de campagne électorale clarté, franc-parler et respect des valeurs
démocratiques pour reprendre, en les empirant, les pires tambouilles
gouvernementales pour faire passer des lois qui picotent sous les bras en les
faisant voter à deux heures du matin, devant un hémicycle quasiment vide et
trente-cinq dépités somnambule.
Messieurs qu’on nomme grands, vous n’avez donc de
cesse que d’avilir chaque jour un peu plus la fonction politique en donnant
raison à vos détracteurs farouches et fidèles qui ululent à longueur de réseau
social que vous ne seriez au mieux que fieffés empaffés voire carrément des
eunuques diplômés avec palme et fourragère.
Messieurs
qu’on nomme grands, osez descendre de votre tour d’ivoire ouatée pour venir à
la découverte d’une population que vous n’avez nulle envie de connaître puisqu’elle
a l’outrecuidance excommunicative d’oser ne pas partager vos visions
abracadabrantesques et immanquablement faussée sur la société de demain.
Messieurs
qu’on nomme grands, tâchez au minimum de ne pas faire de la société d’aujourd’hui
un ratage complet, pareil aux films de Dany Boon, aux bouquins de Houellebecq,
aux conférences de BHL et aux disques de Louane ; sachez nous redonner l’espoir
que vous avez enfin compris que la politique de papa, à la papa, et pour papa,
c’était cuit, fini, fané, foutu, kaputt, cramé…
Messieurs
qu’on nomme grands, prenez garde à ne pas vous pensez d’intouchables Statues du
Commandeur, inamoviblement indéboulonnables car la mécanique des urnes est
impeccablement huilée pour vous renvoyer au néant électoral que vous peupliez
il y a encore peu ; ne poussez pas trop mémé dans les hortensias, papi
dans les orties, et Tante Marthe dans la fosse à purin ; ne poussez pas
trop au fond des choses l’olisbos de vos prétendues réformes indispensables ;
ne gavez pas démesurément les oies blanches de votre audience… Vous risquiez de
vous prendre un retour de manivelle qui risque fort de vous péter le poignet,
les dents, et accessoirement les réservoirs à ADN…
Messieurs
qu’on nomme grands, veillez à ce que le Grand Débat qu’a inauguré en grande pompe
(ce qui ne veut pas dire qu’il portait de grandes chaussures, ni qu’il venait
de se faire voluptueusement envoyer sur Vénus par les aspirations buccales
saccadées d’une escaladeuse de braguette) notre Jupiter élyséen en discourant
près de sept d’heures d’affilée (ce qui le met au niveau d’un Kim Jong-Un d’opérette,
voire d’un Castro pour pédales) ne devienne pas un Grand Enfumage…
Messieurs
qu’on nomme grands, je crains que malgré toutes les précautions que vous prenez
pour inaugurer votre statut d’évadés fiscaux finissant aux Îles Caïman en
partageant un cocktail avec les Balkany, pour mégoter sur les très
substantielles indemnisations versées par l’Etat, et pour dissimuler toutes les
parties fines, carrées et de jambes en l’air que votre once de prétendu pouvoir
vous confère dans l’esprit et dans le slip, le Grand Débat ne se transforme
rapidement en Grand Déballage.
Messieurs
qu’on nomme grands, Alexandre Benalla, que vous avez impunément laissé agir à
sa guise avec tous ses nouveaux joujoux, a été placé en garde à vue, notamment
pour avoir omis de restituer ses quatre passeports diplomatiques. Sans que
personne ne s’en émeuve pendant plusieurs mois. Vérifiez tout de même qu’il n’ait
pas barboté les codes atomiques et qu’il n’ait pas pensé à les rendre… Ça, et
les photos compromettantes qui pourraient faire grand bruit si elles venaient à
être imprudemment publiées dans les torche-cul du lundi…
Messieurs
qu’on nomme grands, rappelez-vous bien que si haut que l’on soit assis, ça n’est
jamais que sur son derrière…
Et
rappelez-vous, Messieurs qu’on nomme grands, que le 18 janvier 1919, s’ouvrait
à Paris la Conférence de la Paix, qui allait durer jusqu’en août 1920, une
conférence internationale, organisée par les vainqueurs de la Première Guerre
mondiale afin de négocier les traités de paix entre les Alliés et les vaincus,
et qui aboutirait à la signature de plusieurs traités, notamment celui de
Versailles. C’était encore l’époque où des mecs en redingote réglaient le sort
du monde, et pas encore celle des Gilets Jaunes…
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