lundi 13 novembre 2017

Brèves du 13 Novembre 2017

On était si bien, ce vendredi treize…

Bien calé sur le fume-pipe près de la cheminée qui crépitait en distillant une assoupissante torpeur, la télé qui égrenait ses débilités vespérales en fond d’écran, son coupé, laissant place au bonheur simple d’être ensemble dans cette maison cévenole qui avait abrité nos joies et nos peines familiales depuis un demi-siècle…

La vie s’écoulait tranquille, bercés par le tic-tac de la pendule… Jusqu’à ce que ma mère, en décidant d’aller se coucher et d’éteindre le téléviseur, ne le mette par automatisme sur la chaîne réservée à BFMTV…

Les infos parcellaires et floues se précisaient peu à peu, au fur et à mesure que les minutes s’égrenaient et que l’incrédulité effarée grimpaient dans nos esprits…

Tout montait… Sauf les larmes.

Car mes larmes ne devaient pas couler.

Et mes larmes ne coulèrent pas.

Puisque que c’aurait été faire trop d’honneur à ces sombres crétins venus d’un autre âge qui s’imaginaient mettre notre pays à leur botte en faisant exploser des kamikazes dans la ville lumière ; mes larmes ne coulèrent pas.

Puisque que les cent-trente victimes de ce fanatisme irréel et ignoble n’auraient eu que faire de mes larmes, qu’elles soient de crocodiles ou chaudement sincères ; mes larmes ne coulèrent pas.

Puisque que désormais, nous vivons avec cette menace terroriste depuis de longs mois, et pour encore de longues années avant que nous n’en soyons définitivement débarrassés, et que pour y faire face et s’y préparer, il convient plus que jamais d’avoir la vue claire et l’esprit net ; mes larmes ne coulèrent pas.

Puisque que le pire est encore devant nous, qu’il ne faut pas se voiler la face, qu’il y aura d’autres attaques pareilles à celle du Bataclan, d’autres égorgements de victimes, d’autres vies fauchées par la connerie intégrale d’australopithèques incultes, d’autres attaques contre l’unité de mon pays et qu’il est inutile de jouer les pleureuses ; mes larmes ne coulèrent pas.

Puisque que si nous ne pouvons rien, ou si peu, à titre individuel, contre cette barbarie invisible que des enturbannés qui s’imaginent détenir la toute-puissance et la vérité divine nous imposent depuis au moins deux ans, nous continuons à vivre et à les narguer insolemment, mais prudemment ; mes larmes ne coulèrent pas.

Puisque que la vie devait continuer, que les visages de ceux qui sont tombés injustement devaient nous inciter à vivre encore plus fort en un pied de nez magnifique, et désespéré, face à ces insondables connards de la bêtise universelle, qu’hélas la marche, folle, du monde ne s’arrêterait pas ; mes larmes ne coulèrent pas.

Puisque qu’il fallut bien se souvenir que dans kalache, il y a lâche, que ce début de tempête meurtrière était organisée par des incultes qui n’ont rien retenu des versets clairs et net du Coran qui refuse toute violence et qu’ils ne méritent toujours pas les bombes qui, j’espère, les enverront ailleurs où les soixante-dix vierges les enverront se faire foutre ; mes larmes ne coulèrent pas.

Puisque que la réponse mondiale à ces actes barbares, que je vous laisse la liberté d’appeler ou non actes de guerre, fut époustouflante, et dépassa presque la ferveur nationale, que cette ribambelle de monuments éclairés de bleu-blanc-rouge fut poignante et qu’il convenait face à ça d’être digne ; mes larmes ne coulèrent pas.

Puisque qu’encore aujourd’hui la colère gronde, la révolte point, l’incompréhension cède la place à l’inamovible envie de vivre dans un monde débarrassé de tous les fâcheux (pour les amateurs de téléréalité, traduire connards intégraux, casse-couilles patentés, et empêcheurs d’enculer en rond), la volonté de barrer nos visages choqués d’une insolence gauloise ; mes larmes ne coulèrent pas.

Puisque que je n’ai pas regardé et ne regarderai pas les visages des victimes, estimant que le voyeurisme a ses limites, qu’il n’est nul besoin de rajouter de l’affliction à la meurtrissure intérieure qui saigne en chacun de nous, et que la dignité doit s’imposer et perdurer ; mes larmes ne coulèrent pas.

Puisque que la vie continuera, puisque que Paris flotte mais ne sombre pas, puisque que la France semble savoir faire face malgré les hiératiques errements de la prolongation de l’état d’urgence, puisque que la peur ne doit toujours pas s’enraciner en nos cœurs et nos esprits, puisque que « ça ira mieux demain » comme le chantait Annie Cordy (enfin, espérons-le de toutes nos forces) ; mes larmes ne coulèrent pas.

Puisque depuis ce funeste vendredi treize qui démontra que les histoires de chat noir, de tirage miraculeux du Loto et de Freddy ne sont que des fabulettes pour tapettes émotives, le sang coula encore à flots sans cesse renouvelés aux quatre coins de la planète en prouvant que l’exception terroriste et culturelle française est une foutaise authentique ; mes larmes ne coulèrent pas.

Puisque que la lumière de l’espoir, la flamme de la résistance commença à briller aux balcons dès le 14 novembre 2015, qu’elle devait s’amplifier sans cesse pour donner au final un immense feu de joie qui carbonisera la haine, l’obscurantisme, la débilité à l’état pur et tous les sombres connards qui veulent réécrire l’histoire ; mes larmes ne coulèrent pas.

En tous cas, pas à l’extérieur… 

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