« Non, non, rien n’a changé,
« Tout, tout a continué, hey, hey ! »
Non, non, rien n’a changé… A toutes celles et tous
ceux qui croyaient, espéraient, souhaitaient, que mercredi dernier, une fois
les concerts de klaxons, cornes de brume, pétards, feux d’artifice, chanson de
Whitney Houston, et autres dispositifs assourdissants terminés, le monde allait
changer subitement et se transformer en royaume des Bisounours ; j’ai le
regret d’annoncer qu’ils se sont fourré l’index dans le globe oculaire jusqu’au
point de non-retour.
Non, non, rien n’a changé… Et si vous vous étiez
couchés mardi soir un peu concons, voire franchement lobotomisés après le
tsunami de programmes merdico-indigents dont la télévision nous a abreuvés, il
y a à peu près autant de chances que de trouver des bridés à Pékin que vous
vous soyez réveillés aussi concons mercredi matin.
Non, non, rien n’a changé… Votre tour de taille
Bibendum, votre partenaire qui poursuit une carrière de mannequin chez Olida,
votre découvert bancaire écarlate cramoisi, votre belledoche qui embaume la
naphtaline et la savonnette Bien-Être à cinq lieues à la ronde, vos moutards morveux
et mal élevés ; tout ce barnum ne s’est pas mué en tablettes de chocolat,
bombasse sexuelle carénée chez Pirelli, compte en Suisse façon Cahuzac,
belle-maman que vous jambonneriez volontiers dans la remise et surdoués promis
à l’élite de la Nation.
Non, non, rien n’a changé… Le monde de 2019 est resté
tel quel pour affronter les premières heures de 2020…
Et dussé-je en pâtir au point de me voir condamné ad
vitam aeternam à l’écoute ininterrompue, douloureuse et en 78-tours des œuvres
complètes de Christophe Maé interprétées par Zaz imitant Kendji Girac, la
gitane à la voix de piche mâtinée de Zaza Napoli en moins viril, je me hasarde
toutefois, au seuil de cette nouvelle année, à me vautrer dans les ornières du
chemin tant parcouru de la banalité lieu-communesque en vous présentant, non
pas sur un plateau d’argent avec bordure en simili laiton chromé et poignées en
imitation ersatz d’inox antimoinesque, ni sur un serviteur muet en biscuit fêlé
made in Taïwan, et encore moins sur une écuelle en vermeil rehaussée de cuir de
peau de fesse de veau élevé sous la mère à un demi-smic le centimètre carré,
mais dans le plus simple appareil, et dans ma bouche (non, non, ça reste très
correct, rassurez-vous, n’allez pas grossir inconsidérément la chose…) mes vœux
les plus chaleureux et les plus sincères pour les putains de trois cent
soixante-six jours de la puta madre de la mort qui tue qui nous font face…
Pour enclencher la nouvelle année, je craignais fort
qu’il ne faille inconsidérément sacrifier à la tradition des vœux urbi et orbi,
le genre de truc qui ne coute pas cher et qui fait plaisir à tout le monde,
surtout celles et ceux qui se raccrochent désespérément à l’importance de ce
beurrage de tartine, comme Di Caprio sur le Titanic se raccroche à une bouée et
à l’idée que Céline Dion ne vagira pas encore une fois sa chanson sur le gros
bateau qui coule…
Donc, hurlons avec les loups, glapissons avec les
dindes et mugissons avec la meute de braillards qui vous ont consciencieusement
flingué les tympans mardi soir à minuit et souhaitons avec les affolés du vœu
de nouvelle année qu’elle soit bonne… Ou plutôt non, je ne vais pas vous
présenter les vœux tout seul… Je m’adjoins les services de deux employées de
maison, Maria et Conchita. L’une a un blair qui ferait passer le nez de Liane
Foly première version pour une minuscule péninsule, et l’autre se désespère de
trouver de l’earl grey dans mes placards…La bonne à nez, et la bonne sans thé…
Rassurez-vous, je ne vais pas verser dans les
roucoulades violonées, les calembours usés jusqu’à la corde que même Ruquier
n’en voudrait pas pour refiler à son Boulay préféré qu’il aime à tirer de temps
à autre, et le sirupeux dégoulinant façon loukoum arrosé au sirop d’érable en
vous souhaitant le meilleur pour les douze mois à venir, je ne ferais pas du
Mari-à-Brigitte en vous faisant ronfler devant votre poste…
Oh, je me doute que je dois arriver en deux-cent-soixante-treizième
position dans le souhaitage de vieux, et que vous avez dû vous fader au bas mot
le même nombre de paires de bises humides ou gluantes, avec halitose carabinée
en prime et tout autant de fadaises nouvel-anniques depuis le 1er
janvier dernier…
En une période où les grippes, tant intestinales que
classiques, font bondir dans l’écarlate cramoisi les alertes infos des chaînes
d’info continue, il serait presque mal venu de glisser, tel un pet vaseliné
glissant sur une toile cirée recouverte d’une triple couche d’encaustique, que
les vœux vous font chier… Ça, c’est le domaine de prédilection de la gastro et
des réclames télévisées itératives pour les débouchages médicamenteux
d’intestins fatigués ou paresseux, entre Dulcolax et Herbesan en passant par
les dragées Fuca qui repeignent tout du sol au plafond en un artistique
moucheté marron-caca-d’oie…
Quelle joie sans égale de retrouver ses collègues de
bureau, ou de glandouille pour nos amis fonctionnaires qui sont toujours les
premiers à me lire, vu qu’ils n’en foutent pas une rame de la journée, et se
repaître jusqu’à la nausée post-réveillonnesque de ces vœux d’autant plus
grandiloquents qu’ils sont trempés dans la faucuterie la plus intégrale…
Quel moyen atroce de non seulement débuter la semaine,
mais également de fêter la reprise après la trêve de Noël, avec cette avalanche
de bécots sonores et baveux, avec cliquetis de dentier mal collé en prime, ces
tapes dans le dos prétendument amicales toutes prêtes à vous démonter la clavicule
et ces sourires de commande en ligne directe de la dernière élection de Miss
Dinde Fourrée… Et si, en plus, ça se passe le jour même de l’épiphanie, alors
là, c’est le carton plein, c’est la quine, c’est le bingo assuré avec en cadeau
Bonux la ménagère 48 pièces avec le légumier assorti…
L’épiphanie, d’origine marseillaise, dont les règles
furent fixées par Marcel Pagnol dans sa célèbre trilogie Marius, César,
Epiphanie, est aussi la fête des dentistes, trop contents de réparer les
bridges fracassés, les plombages déchaussés et les incisives malmenées par des
fèves pernicieuses cachées sous la frangipane écœurante…
Alors, le combo vœux de bonne année à haute dose,
galette en carton saveur amande rance, et cidre éventé et tiède… On touche
presque le nirvana du lundi pourrave…
Pour faire bonne mesure, et franchement vous donner
envie de vous flinguer en rentrant en ouvrant le gaz de la gazinière
électrique, saupoudrez de vingt-cinq « c’était bien ton réveillon du
nouvel an ambiance orientale au Mikhenez de Poussan », dix-huit
« t’as été gâté à Noël ? », une petite douzaine de « T’as
eu de la neige à la montagne, parce que Roger du service compta, il a skié huit
jours sur du gazon et des gravats », et un « punaise, ma belle-doche
a eu la fève hier, ça s’est vu, elle était toute rouge et ne respirait plus…
trop content de lui refiler une couronne »…
A nouvelle année, nouvelles résolutions… Résolutions
fermes et définitives, qu’on aura vite jeté aux orties une fois le mois de
janvier bien entamé. Certains tenteront de perdre du poids, d'autres voudront
s’arrêter de fumer, d’autres encore se payeront une tenue de sport flambant
neuve pour aller suer à grosses gouttes dans une salle de sport avant de passer
l’éponge… D’autres, carrément inconscients, voudront faire tout cela à la fois…
Perso, pas de bonnes résolutions cette année, on va
improviser !
Et le lundi 6 janvier 1975, les cendres encore
fumantes de l’ORTF donnent naissance, tel un phénix, aux trois chaînes de
télévision T.F.1, Antenne 2 et F.R. 3, à Radio France, à TDF, à l’INA et à la
SFP. Pour le meilleur et pour le pire, l’Office étant arrivé au bord de
l’implosion avec des conflits internes
sans fin… L’avenir dira que finalement, non, non, rien n’a changé…
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