« C'est ça, c'est ça, c'est ça la France
« Et je l'aime du Nord à la Provence
« Elle chante, elle pleure et elle écrit
« Avec son cœur, son histoire de France
« C'est ça, c'est ça, c'est ça la France
« C'est l'amour, la joie et l'espérance
« Et sur la terre, en liberté
« Il fait bon vivre, il fait bon chanter… »
Parmi les nombreux navets que Rika Zaraï, la plus
israélienne des chanteuses-herboristes de ces quarante dernières années, a
planté sur vinyle depuis 1960, nul doute que cette pochade insouciante de 1973,
qui fleure bon l’hexagone pompidolien d’avant le premier choc pétrolier
apparaît singulièrement décalée au sortir du week-end hallucinant que nous
venons de vivre…
A moins qu’il convienne d’en enregistrer une nouvelle
version :
« C’est ça, c’est ça, c’est ça la France,
« C’est le chaos du Nord à la Provence, […]
« C’est la haine, la peur, la désespérance,
« Et sur sa terre, plus de liberté,
« Fait-il bon vivre, fait-il bon chanter ? »
C’est ça, c’est ça, la France, des hordes de benêts
en-jaunifiés qui viennent mettre le bousin sur la plus belle avenue de France,
avec la rescousse non souhaitée de casseurs qui saisissent l’occasion de se
livrer des exactions inexcusables et inqualifiables…
C’est ça, c’est ça, la France, des scènes de guérilla civile
sous le prétexte d’un harassement de taxes et de fins de moins difficiles dès
le 10 du mois…
C’est ça, c’est ça, la France… Des déclarations de guerre, d’assauts
finaux et de prise de la Bastille pour samedi prochain… Des lycéens qui
descendent dans la rue « parce que Kévina a publié sur Face-Bouc que
fallait qu’on manifeste » sans savoir pourquoi…
C’est ça, c’est ça, la France… Des réseaux sociaux qui dégueulent
d’informations invérifiables et souvent invérifiées, qui font immanquablement
passer les en-jaunifiés pour les bisounours des temps nouveaux et Macron pour
le denier des enculés, à un point tel qu’Hitler nous apparait éminemment
fréquentable…
C’est ça, c’est ça, la France… Pauvre France ! Pauvre
pays qui ne trouve plus que ces prétextes minables de gilets jaunes dont
l’écœurement a été au départ sincère contre des politiques contestables et des
gouvernants aussi inexpérimentés que maladroits…
C’est ça, c’est ça, la France… Et si je voulais être lyrique
et pompeux, je dirais que j’ai mal à ma France, aujourd’hui… Ma France qui crie
haro sur le baudet qu’on accuse de tous les maux, ma France qui s’imagine
naïvement que le baudet dégagé, la situation deviendra soudainement parfaite et
idylliquement parfaite…
Mais mes bichons, vous vous fourrez le doigt dans la mirette
encore plus profond que Macron et ses sbires vous l’ont mis dans la rondelle !
Entendons-nous bien. Les revendications des Gilets Jaunes
sont globalement respectables, puisque l’Hexagone est aujourd’hui l’un des pays
les plus taxateurs au monde. Mais n’est-il pas un peu trop facile, un peu trop
rapide, de réclamer un meilleur niveau de vie ?
Maria est arrivée en France en 1939, fuyant la guerre civile
espagnole. A cette époque, point d’aides étatiques à profusion, point de
minimum retraite, nuls minima sociaux. Si l’on voulait s’en sortir, il fallait
trimer dur. Arrivée sans rien, ou presque, maria, son mari et sa fille ont
mangé d’abord dans des boites de conserves avant d’avoir des assiettes. Ils ont
habité pendant des années dans des gourbis où personne aujourd’hui
n’accepterait de passer une journée, ils n’ont jamais eu de voiture, ont eu la
télé à la fin des années 60, ne sont jamais partis en vacances à
Pétaouchnok-les-Bains. Et pourtant, Maria ne s’est jamais plaint, elle s’est
toujours accommodée de ce sort médiocre, a su économiser et a toujours eu un
geste pour ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants à l’occasion
des fêtes. Tant pis s’il fallait se priver…
Maria, c’était mon arrière-grand-mère. Et combien de Maria
ont connu cette destinée il y a quelques décennies, combien de Maria sont
arrivées à quelque chose sans réclamer à gauche et à droite quoi que ce
soit ?
Autres temps, autres mœurs… C’est ça, c’est ça, la France,
en 2018 où l’on entend faire passer les loisirs avant le nécessaire… C’est ça,
c’est ça, la France, où l’on tend la main pour récolter les subsides étatiques
avant même de s’interroger sur ses propres besoins…
On veut la dernière télé, le dernier smartphone, on doit
partir en congés dans des endroits exotiques qui seraient nettement mieux sans
nous… Et on fait passer les premières nécessités de l’existence, nourriture,
logement, au second plan. Nous avons
interverti nos priorités…
Le Gouvernement de marioles qui devaient incarner le
renouveau après l’excité de l’épaule et le porcinet sudoripare nous prend à
rebours avec une communication qui ne renierait pas un potentat
proche-oriental.
Mais est-ce une raison suffisante pour bloquer un pays dont
l’économie est chancelante, et fragiliser encore plus une situation
dramatique ? Emmerder les français qui bossent dur pour joindre les deux
bouts, saccager les outils de travail de certains, porter atteinte aux emblèmes
de la République n’est pas la solution. Une manifestation de désespoir, ou de
bêtise crasse, tout au plus.
C’est ça, c’est ça, la France, qui passe à côté de ce qui
est réellement urgent, de ce qui risque de nous embarquer dans une mouise noire
à échéance de plus en plus proche. Les voyants sont au rouge cramoisi
concernant les changements climatiques, et tout ce qui intéresse, c’est de
pouvoir mettre du gazole dans nos bagnoles à des prix bas…
Le bateau brûle, et on s’inquiète du prix du carburant qui
permettra de le faire flamber de plus belle…
Non, le Gouvernement n’a pas à agir avec ce mépris du
peuple. Non, le peuple n’a pas à agir avec cette absence de discernement. Non,
les casseurs n’ont pas à saccager gratuitement. Parce que ce sont les français,
gilets jaunes ou non, qui paieront une fois de plus la facture. Qui promet
d’être salée.
Les jours et les semaines qui s’annoncent ne sont pas roses.
Prenez garde, si nous étions appelés à nouveau aux urnes, à ne pas commettre
l’irréparable en propulsant au pouvoir des extrêmes dont on sait ce qu’ils
donnent une fois aux manettes.
On est dans la merde, inutile de transformer la France en
une station d’épuration géante…
C’est ça, c’est ça, la France, un pays dont l’emblème se
plaît à chanter les pieds dans la merde. Prenons garde à ce que ce chant de
révolte ne soit pas un chant du cygne…
Et le 3 décembre 1947 avait lieu sur la scène de Ethel Barrymore
Theatre la première de la pièce de Tennesse Williams, « Un tramway nommé
Désir » avec Marlon Brando qui lancera dans ce rôle la mode des tee-shirts
ajustés. Dis, Monsieur « Passe-moi le beurre », il n’irait pas vers
des lendemains apaisés ton tramway ? J’aimerai bien le prendre…
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