Let the post Eurovision depression begin !
Dès lors que les dernières notes du Grand Prix tout nouvellement couronné ont retenti et que la pompe cuivrée des impétueuses trompettes du Te Deum de Charpentier ont signifié la fin de la transmission en Eurovision, il s’instille en chacun des fans du Concours les premiers symptômes de la dépression post-eurovisuelle, une sorte d’illustration moderne de l’expression latine de Galien « Post coitum omne animalius triste est » (après le sexe, tous les animaux sont tristes).
Après la frénésie quasi-sexuelle de la présentation des vingt-six chansons, après la montée en puissance de l’annonce des points et après l’acmé de la proclamation du vainqueur, tout retombe…
Joie ou frustration à l’égard du gagnant, et une certaine tristesse à l’idée qu’il va falloir attendre quasiment un an pour retrouver cette ambiance de concours…
Dépression que certains transforment illico en déferlement de bonheur car leur chouchou a décroché la timbale, ou de haine car leur représentant a lamentablement cagué dans la colle, se perdant dans les tréfonds du classement final.
Je ne vous le cacherai pas plus avant, je suis amer depuis samedi soir, suite aux résultats du 69ème Concours de l’Eurovision. Amer à l’encontre de certains résultats, que ce soient ceux de la représentante française, ou de ceux d’autres concurrents.
Je dois coucher ça sur le papier numérique, et j’ai pris quelques moments de réflexion et de recul, pour éviter l’écueil de la réaction à chaud, rarement utile et encore moins salutaire dans ce genre de situation.
Mes pensées vont évidemment, et en premier, vers Louane, notre représentante, dont on attendait beaucoup, poussés en cela par les médias, et la fièvre eurofanique. Je suis déçu du résultat final, septième, alors que les bookmakers la voyaient au bas mot troisième.
Mais loin de celles et ceux qui jettent le bébé avec l’eau du bain, et clament à qui veut bien l’entendre que l’Europe ne nous aime pas, que les européens ont de la merde dans les oreilles et qu’il est impératif que la France se retire de la compétition, je serai plus modéré.
Septième, c’est certes décevant au vu de la prestation, tout en émotion de Louane qui, à mes yeux, a donné tout ce qu’elle avait samedi soir. Mais c’est quand même un top 10, un score que la France a du mal à accrocher ces dernières années. Septième, ça veut dire qu’il y a dix-huit candidats derrière elle, que les jurys et les téléspectateurs européens ont trouvé moins bon que Louane.
Ça veut aussi dire que les jurys professionnels l’ont trouvé excellente (ils ont classé la France troisième), mais que les téléspectateurs n’ont pas aimé la chanson (quatorzième, ça veut bien dire ce que ça veut dire).
Alors, arrêtons de spéculer, nous avions une bonne chanson, bien interprétée en live, mais qui n’a pas plu. Point barre. Il faut arriver à s’extirper de la gangue qui veut que la France doive présenter à l’Eurovision des ballades traditionnelles. Marie Myriam a gagné il y a près de cinquante ans ; les goûts européens ont évolué depuis, ce dont on ne se rend pas forcément compte.
J’en veux aussi un peu aux médias qui font monter la mayonnaise à chaque fois que la France se trouve parmi les favoris des bookmakers. Ah évidemment, ça fait vendre du papier, ça fait de l’audience, mais ça crée également un sentiment de frustration pas toujours justifié lorsque les résultats tombent. On a fait mousser les candidatures de La Zarra et de Bilal Hassani, dont les chansons n’étaient pas particulièrement excellentes. Un peu plus de retenue et de modestie ne seraient pas les malvenues.
C’est le jeu me direz-vous. Certes, mais n’oublions jamais que la France est un pays qui a toujours regardé l’Eurovision comme un événement décalé et obsolète, la position des médias dans les années 80 et 90 ont profondément et durablement écorné l’image du concours dans notre pays. Le relatif retour en grâce de ces dernières années avec les succès d’Amir et, dans une moindre mesure, de la Betty Mars 2.0, reste fragile et le grand public sera prompt à se détourner à nouveau du Concours si on lui fait miroiter chaque année monts et merveilles qui ne se réalisent pas.
Je suis également amer de constater que le télévote ne sert plus aujourd’hui à noter une chanson ou un pays selon ses goûts mais selon ses convictions, et ses positions politiques. Les votes géopolitiques ont toujours existé au Concours (depuis les années 60, les pays scandinaves se soutiennent, et je n’évoque pas les échanges de « 12 points » entre Chypre et la Grèce), mais le vote des téléspectateurs ces dernières années n’est plus basé sur l’attrait de la chanson, mais sur la situation géopolitique.
Comment expliquer sinon les votes attribués à l’Ukraine, et plus encore à Israël ? Dans les deux cas, les jurys professionnels n’avaient que peu goûté les deux chansons, les classant quatorzième ex-aequo. Dans un cas comme dans l’autre, le titre présenté n’était pas mauvais, mais était loin d’être éblouissant au point de le classer premier au télévote, comme dans le cas d’Israël.
Là, on ne vote plus pour une chanson, mais pour une situation politique. Je sais que Yuval Raphael est une rescapée du 7 octobre, je connais son histoire, mais l’Eurovision est censé être un concours de chansons, pas un meeting politique…
L’UER a d’ailleurs drôlement dû serrer les fesses à l’annonce des résultats. Si Israël l’emportait, l’organisation du Concours 2026 s’annonçait compliquée, au bas mot…
Que l’on se comprenne bien, je ne prends pas position pour ou contre ce qui se passe au Proche-Orient, ce sont mes convictions intimes qui resteront privées. Je regrette juste que le concours soit faussé par ces considérations qui doivent lui rester étrangères.
D’ailleurs, l’UER devrait exclure de la compétition tout pays impliqué dans un conflit impliquant un ou plusieurs pays participants, qu’il soit attaquant ou attaqué. Ils ont bien exclu la Russie dans trop d’états d’âme. Ils devraient exclure également l’Ukraine et Israël. Ça rendrait un peu de sérénité dans la compétition, et un peu de neutralité dont on a tant besoin à tous les niveaux, actuellement.
Pour le reste, et pour tenter d’être quelque peu plus primesautier, les résultats me paraissent globalement justifiés. La victoire de l’Autriche avec son contre-ténor boutonneux me laisse froid, puisque je n’avais que peu goûté ce titre bruyant, interprété par le petit-fils de Kimera, le maquillage en moins, qui ressemble assez au précédent Grand Prix.
Je me réjouis par contre que la diversité des langues revienne en force cette année, la suprématie de l’anglais s’émoussant assez fortement. Trois titres seulement dans le Top 10 sont interprétés intégralement en anglais, ça ne s’était pas vu depuis belle lurette.
Bravo à l’Estonie, qui démontre qu’un titre gag peut très bien fonctionner, mais aussi bravo à l’Italie avec sa chanson simple et touchante.
Quant au titre suisse, c’est là encore la simplicité qui a touché les jurys, mais qui a laissé les téléspectateurs de marbre. Ah évidemment, dès qu’on ne balance pas la pyrotechnie à pleins ballons et qu’on ne se déshabille pas sur scène, ça ne vous fait pas bander, hein !
Cette année, le strip-tease à la croate (parce qu’initié par la candidate croate en 1998) était à la mode, bon nombre de candidates se déshabillaient au cours de leur prestation, parfois sans utilité (pourquoi la Grecque se déloque-t-elle à dix secondes de la fin,), et le plus souvent pour exhiber leurs cuissots dodus.
Je rigole en constatant que les trois grosses qui s’exhibaient en justaucorps vulgaires sur des chorégraphies frisant la pornographie se sont maravées la gueule, finissant respectivement treizième, dix-septième et vingt-deuxième… Quant à l’espagnole, mieux tankée mais tout aussi putassière, elle s’échoue vingt-quatrième. Peut-être que cela incitera à un peu plus de décence et de classe l’année prochaine…
Les bookmakers se sont loupés encore une année, leur favori absolu, la Suède, finissant à une quatrième place honorable, et les Pays-Bas à la douzième place.
Je suis enfin déçu par la contre-performance du Luxembourg, seulement vingt-deuxième, avec une chanson fraîche et pimpante, fort bien défendue par Laura Thorn qui malgré son strip-tease à la croate, a su rester correcte dans sa tenue. Il faut dire que le Grand Duché avait hérité de la deuxième place, la place maudite, aucune chanson passant en deuxième position n’ayant jamais remporté le Concours depuis 1956.
Au final, le Concours Eurovision 2025 restera un cru assez moyen, où aucun favori clair ne se distinguait, les 12 points attribués ont été assez disséminés. La faut peut-être à une réalisation trop sage, généralement trop sombre, empreinte de suissitude jusqu'au bout.
On a revu avec plaisir certains anciens participants suisses, comme Paola, toujours sympathique, Peter Reber, qui avait pris un sacré coup de pelle, ou encore Nemo, qui n’a pas précisément ajouté à sa gloire avec ce numéro de cabaret d’un goût douteux…
Et l’on a attendu en vain Céline Dion, dont on nous annonçait la venue pour la finale. D’accord, elle est diminuée par la maladie, mais c’eût été charmant de la revoir sur scène. Enfin, sauf si elle nous remettait sa robe « abat-jour » de 1988…
Allez, fans eurovisuels de tous pays, déprimons un bon coup, et puis reprenons une vie normale… Tout cela n’est au final qu’un concours, auquel il ne faut pas donner plus d’importance qu’il n’en a réellement.
Le Concours fut créé pour stimuler la production de chansons de qualité en Europe, et qui dit chansons, dit souvent amour. Et il faut partager l’amour, pour qu’il ne soit pas, surtout pas, comme le proclame le Grand Prix 2025, de l’amour gâché…
lundi 19 mai 2025
Brèves du 19 Mai 2025
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