Pleure
pas, Esméralda… Pleure pas, Quasimodo… Pleure pas, Frollo…
Pleure
pas, Esméralda… ils sont sauvés, les vitraux de la grande rosace qui laissait
pénétrer sur les dalles de la nef la lumière colorée qui donnait une idée de la
douceur ouatée du paradis…
Pleure
pas, Quasimodo… Elles sont sauvées, tes cloches, préservées de l’effroyable
dans leur beffroi pluriséculaire et tu pourras les sonner à nouveau, dans un
fracas indescriptible ou avec la délicatesse d’un tondeur d’œuf pour
accompagner le grand orgue, encrassé mais intact…
Pleure
pas, Frollo… Les inestimables reliques sont pour la plupart hors de danger et
tu pourras continuer à adorer la couronne d’épines et la tunique de Saint Louis…
Mais il faudra que tu te souviennes du coq reliquaire de la flèche, et des vitraux
centenaires…
Pleure
pas, toi, toi, vous, les autres, et le reste de tout ceux qui ont suivi,
médusés, incrédules, sidérés, ces images d’une actualité brulante, notre petit
11-septembre à nous où les tours n’étaient qu’une flèche de 93 mètres qui défiait
le ciel et les siècles depuis plus longtemps que Line Renaud, c’est vous dire…
La
flèche est tombée, en direct, devant des yeux médusés, des objectifs incrédules,
des caméras sidérées et des observateurs dont la finesse et la discrétion ne
sont pas le point fort. A l’image de Christine Boutin qui a touité « La
flèche est tombée, la France est touchée au cœur ». Mais Christine, elle,
est toujours debout. Normal, ce n’est pas une flèche.
A
l’instar de ces quelques individus abjectement puants qui ont cru spirituels d’ironiser
grassement sur la catastrophe qui se déroulait… On se posait encore des
questions sur le niveau intellectuel de l’UNEF ? Allez vous balader sur la
twittosphère, et vous serez rassurés sur la profonde bassesse et le parfait
racisme d’une connasse intégrale qui s’en balek objectivement de ces bouts de
bois. Et le jour où on fait un barbeuc de saucisses devant une mosquée, faut
faire trois jours d’obsèques nationales…
Rassurez-vous,
l’autre Drame de Paris, Anne Hidalgo, ne sort pas grandie, pour le moment de
ces heures difficiles. Son intervention sur Radio Gaucho (qui devient de plus
en plus Radio Vatican puisque Demorand a prononcé un « Mon Dieu »
presque sincère en fin d’émission) était plus digne d’un meeting électoral que
d’une édition spéciale. Aucune émotion dans la voix, pas de grandes phrases, ni
de petits mots, elle aurait été aussi convaincante à nous débiter les tarifs de
la côtelette aux Halles de Rungis. On aurait aimé un peu d’empathie, et qu’elle
arrive à éteindre le brasier, plutôt que la Tour Eiffel.
Car
les solutions étaient à portée de neurone, pour sauver la forêt de la
charpente, entre autres. On empruntait deux soutifs à Damidot, on les trempe dans
la Seine, deux hélicos, on balance le tout comme l’eau bénite et hop ! le
tour était joué ! D’accord, on avait une nef transformée en fosse de
plongée, mais qu’importe !
Une
fosse de plongée qui ne serait peut-être pas suffisante pour sonder la débilité
sans nom de certaines personnalités que je ne nommerais pas pour ne pas faire
de tort à la porte-parole du Gouvernement, Sibeth la bien nommée… On attendait
à tout moment un tweet genre « Wesh, l’église elle est cramed »… Ce
qui est certain, ce n’est pas l’ardence de ton intelligence qui l’a enflammée…
Ce
n’est pas non plus notre idole des jeunes qui est responsable de l’incendie,
même si l’un de ses titres, « Allumer le feu », pouvait le laisser
penser. D’après des proches de la star, il serait actuellement enterré à Saint
Barth’. BFMTV enquête…
Alors
qui ? Ou quoi ? La négligence bête, la faute à pas de chance, la fatalité ?
Le saura-t-on un jour ? Et à quoi cela servira-il ? Une chose est
certaine, ce n’est ni Quasimodo, qui pourtant brulait d’amour pour la jolie
gitane, ni l’Abbé Frollo, qui portait une soutane ignifugée tant il avait le feu
au slip…
Personnellement,
j’attends patiemment l’insinuation de nos valeureux Gilets Jaunes qui va prétendre
que c’est Macron qui a craqué l’allumette fatale pour éviter d’avoir à répondre
à leur légitimes et exorbitantes revendications loufoco-révolutionnaires… Non,
mais ils ont vu la Vierge, eux…
Mouais…
M’est avis que la Daronne du crucifié avait d’autres choses à faire hier… au
moins une des trois rosaces sauvées, le grand orgue intact (avec ses sonorités
divines qui vous font toucher au sublime et frissonner comme ma frangine, d’où
l’expression « tu vibres, ô ma sœur »), les stalles de bois
préservées et la Pieta intacte, alors que la flèche s’est effondrée à quelques
centimètres de là…
D’accord,
on ne peut encore parler que d’heureuses coïncidences… Le vrai miracle, c’est
si la Merguez du Bled se hisse parmi les dix premiers du classement à l’Euromachinchose…
Et
encore faudrait-il qu’il verse du liquide… Beaucoup de liquide… Tout pareil que
nos richards nationaux, qui se sont saisis de l’occasion sur les braises de la
cathédrale pour se donner bonne conscience. Et c’est parti pour la course aux
dons ! Cent millions d’euros chacun pour Pinault et Total (c’est malin, de
la part d’un fabricant de produits hautement inflammables), deux cents millions
chacun pour les familles Arnault et Bettencourt.
Allez !
C’est la course à l’échalote, le sprint au meilleur donateur ! Plus de
trois cents millions de dons ? Vous aurez droit à une soirée avec Monseigneur
l’Archevêque de Paris, avec chants liturgiques, mousseux tièdes et enfants de chœurs
à point au dessert ! On dépasse le demi-milliard ? Là, c’est
carrément le voyage au Vatican avec audience privée avec le Pape, indulgences
plénières et strip-tease intégral…
Contrairement
à ce que chantait Bruno Pelletier il y a deux décennies dans une comédie
musicale à succès, il n’est pas foutu, le temps des cathédrales ! On va la
reconstruire, on va cautériser les plaies, suturer les entailles, replanter la
forêt, rezinguer les toitures, redonner à la flèche sa plus belle érection (ce
qui va faire mouiller les Sloggi à la Conférence épiscopale), décrasser les
gargouilles…
Evidemment,
beaucoup d’entre nous n’en verront pas le bout, mais ce n’est pas un brasero improvisé
face au brasier infernal qui va éteindre en nous la flamme ardente de perpétuer
l’étincelle brûlante de la passion du beau, du mystique, et de l’intemporel.
Pleure
pas, Esméralda… Bientôt tu pourras te faire sonner les cloches au creux des
chapelles rendues à leur lustre antérieur…
Pleure
pas, Quasimodo… Demain, les gargouilles débarrassées de la suie seront plus
belles que toi, et se remettront à défier les outrages du temps…
Pleure
pas, Frollo… D’ici peu, la solennité du lieu lui sera rendue car la lumière
brille même au plus profond de la nuit, comme cette croix, luisant au milieu
des décombres fumants ; et tu pourras adore de nouvelles reliques encore
plus rarissimes, comme le crâne de Jésus enfant…
Pleure
pas, toi, toi, vous, les autres, et le reste du monde… Paris sait se relever
des coups durs, elle ne manque pas d’air, et nul doute qu’elle en aura assez pour
ôter celui qui nous mortifie aujourd’hui… Afin que demain, Notre Drame de Paris
redevienne Notre Dame de Paris…
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