Ah, chers amis, fidèles lecteurs, inconsciente
audience avide de mes élucubrations chroniquières, comme j’aurais aimé vous
interpréter une jolie berceuse pour vous accompagner vers la belle nuit de Noël
où toutes les grosses cloches sonnent… Seulement… Ce n’est évidemment pas
l’envie qui m’en manque, malgré une énergie proche de l’amibe anémiée qui me
donne furieusement lune appétence exacerbée de vacances… Mais le contexte
hexagonal actuel et le moral moyen du français du même nom ne donnent pas
forcément envie de faire la fête, de rigoler, de festoyer, d’entonner des
refrains joyeux…
Certes, je sais que les fêtes de fin d’année
s’annoncent à grands renforts de pubs spécialisées et de rediffusions
télévisées, avec leur cortège de cadeaux, de repas en famille ou solitaires,
d’indigestions, de doigts martyrisés par le couteau à huitres, d’oncles bourrés
comme un coing qui dansent la macarena à moitié à poil sur la table basse du
salon avant de se casser la gueule comme des étrons frais, de cadeaux
splendides coutant une blinde et demie qui finiront dès le lendemain en achat
immédiat sur ebay au dixième de leur prix, et de bougies senteur épices
indiens-sardine marinée de Reykjavik qui filent le feu au sapin…
Je sais que vous attendez avec une anxiété non feinte
les quatre-vingt-huit bêtisiers de fin d’année où l’on vous rediffusera encore
et encore, jusqu’à la nausée intégrale, Denise Fabre qui se dévisse le dentier,
Nancy Reagan qui se prend une gamelle, et Gainsbourg qui invite Whitney Houston
à se faire rectifier le tuyau d’échappement…
Vous piaffiez d’impatience dans la tante… pardon, dans
l’attente des sempiternels téléfilms de Noël, des éternelles rediffusions de la
trilogie des Sissi et du guimauvesque Mayerling, et des films
cuculapralinesques qu’on regarde la bave aux lèvres et la boite de chocolats à
la main, lové sous la couverture polaire alors que des flocons de neige
s’accrochent aux carreaux…
Eh bien non ! Le ravissement de ces moments
magiques, ce sentiment indéfinissable au moment de mettre le petit Jésus dans
la crèche, au sens premier du terme, bien entendu, cette torpeur bienfaisante
qui vous envahit en regardant la Messe de Minuit en mondovision depuis Saint
Pierre de Rome, ça n’est pas pour tout de suite !
Tout d’abord parce que ce serait pêcher que de vous
balancer tout ça dans la figure comme un gougnafier que je ne suis pas, enfin,
j’espère, et ensuite parce que nous ne sommes que le 23 décembre…
Et là, je me permets de vous poser brutalement la
question, puisque l’on se connaît suffisamment bien et que je sais au surplus
que vous n’êtes plus de jeunes damoiseaux à peine déniaisés ni des rosières
ayant coiffé Sainte-Catherine sans avoir vu le loup dans la bergerie :
Est-ce que vous la sentez ?
Non, mais je veux dire, est-ce que vous la sentez
bien ? En êtes-vous tout entièrement pénétrés ? L’avez-vous laissé
entrer totalement en vous et cheminer jusqu’aux replis les plus intimes de
votre anatomie secrète afin d’y répandre en cataractes la substantifique moelle
de son suc ultime ?
Evidemment, j’en connais qui en sont déjà à s’essuyer
dans les rideaux en ayant lu ces quelques lignes qui siéent plus à Régine
Desforges qu’à Jean Cau ; mais quitte à les ébranler (encore une fois)
dans leurs convictions profondes, mes propos sont tout ce qu’il y a de plus
purs !
Est-ce que vous la sentez, la délicieuse odeur de
Noël ?
Humez-vous la fragrance parfumée des sapins de Noël
croulant sous les guirlandes et les boules multicolores qui emplissent les
salons, des pains d’épices et des massepains qui n’attendent que le feu vert
parental pour se faire dévorer, des mets de choix qui vous rempliront la panse
en faisant pétiller vos papilles d’un plaisir s’apparentant à l’orgasme
alimentaire ?
Reniflez-vous la senteur particulière de ces jours de
fête, où l’air semble plus léger malgré les emmerdements et où l’on est presque
contraints de faire risette à cette empaffée du service comptabilité qui pue de
la gueule à décoller la moquette, juste parce que c’est la trêve des
confiseurs ?
A moins d’être un Morgan Bourc’his ou un Pierre Frolla
capables de se filer en apnée pour des périodes qui vont de quelques minutes à
« punaise la vache c’est trop trop long ! », vous n’avez pu
faire autrement que d’en prendre plein les poumons…
L’esprit de Noël est en train de nous tomber dessus,
même si c’est cette année un Père Noël en gilet jaune qui viendra déposer les
cadeaux dans les souliers… Enfin, si il trouve un train qui roule ! Foin
des querelles intestines qui nous pourrissent le quotidien, fi des petits
tracas journaliers qui nous mettent le ventre en capilotade et l’esprit en
haut-fourneau sidérurgique !
Allez ! Pressez-vous prestement de vous hâter
d’aller faire l’emplette des derniers présents à offrir à vos proches, des
ultimes cadeaux qui feront bouillonner les récipiendaires et votre carte bleue…
Les récipiendaires d’un légitime bonheur et votre carte bleue d’un échauffement
cramoisi qui tend vers l’évaporation définitive…
Cadeau… ou pas cadeau ? Telle est la question
cruciale… Cadeau ou pas cadeau à votre tante Marthe qui vous empeste à chaque
visite avec ses robes chasubles qui schlinguent la naphtaline ; à votre
nièce hystérique qui hurle à la mort dès qu’on hausse les sourcils en signe de
vague réprobation ?
Cadeaux pour toutes et tous, même si je sais que je ne
suis pas un cadeau, et qu’il faut vivre d’espoir…
L’espoir fait vivre… Et l’espoir que je forme aujourd’hui,
au moment de poser la plume du clavier pour quelques jours de repos, au terme
d’une année mouvementée, c’est que le monde aille un peu moins mal, pendant
quelque temps, que les hommes puissent vivre en bonne entente, que vous passiez
de bonnes fêtes… et que je ne prenne pas trop de poids avec ces cochoncetés de
chocolats !
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Guy-Louis, Amélie
Mauresmo, Conchita Wurst, Josiane Saucisse, Pepita Sausage, ainsi que tout
celles et ceux qui en feront la demande par papier timbré mauve moiré à douze
euros soixante-quatorze la demi-page ; ainsi se terminent, en conclusion
d’une année chargée en péripéties, en émotions et en cataclysmes d’actualité,
ces chroniques en forme de brèves de presque pour l’année 2019.
J’espère que vous aurez pris autant de plaisir à les
lire que j’en ai ressenti à les écrire… Le temps qui m’est imparti touchant à
sa fin, et Beaugrand touchant à sa nouille, je vous souhaite tout bêtement de
passer d’excellentes fêtes de fin d’année, remplies de bonheurs, de joies et de
moments complices en famille, en couple, ou comme il vous plaira !
Je vous embrasse chaleureusement en remerciement de
votre attention et de vos commentaires, et vous retrouve bientôt…
A vous Cognacq Jay, à vous les studios !
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