jeudi 8 septembre 2022

Brèves du 08 Septembre 2022

Babeth s’en va t’en terre…

Elle faisait partie de notre décor, de ces choses qu’on trouve déjà installées à notre arrivée, qu’on s’imagine éternelles, indéboulonnables, et qu’on intègre dans notre inconscient collectif…

Elle était de cette génération qui a tout connu, qui a vu s’emballer la marche de l’Histoire et qui connaît plus que toute autre le véritable prix du bonheur et de certaines situations qui nous paraissent sottement définitivement acquises…

Elle incarnait plus que tout autre la stabilité, la pérennité absolue, tout en étant à la tête d’un empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais et sur lequel elle ne pouvait pas politiquement peser.

Indémodable, bien que ses toilettes ressemblaient depuis des lustres et quelques candélabres à la vitrine d’une pâtisserie tenue par un mitron fou, hésitant entre la meringue citronnée, l’entremets caramel et le bavarois à la fraise pas mûre…

Intemporelle tant son règne a été long ; on a peine à s’imaginer qu’elle fut intronisée à une époque où la télévision était encore mineure, où les médias modernes n’existaient pas, et où le confort moderne était pour la plupart un luxe encore difficilement accessible…

La Reine est morte, vive le Roi !

Ces mots paraissent bien improbables, tant elle nous habituât à une permanence temporelle qui renvoie la majorité de nos dirigeants actuels et passés à leurs études. Et pourtant.

Elisabeth II n’est plus. Le monde est veuf, d’une certaine manière. Veuf d’une souveraine qui, à force d’être démodée était terriblement actuelle, régnant avec une efficacité et une sobriété rare.

Oh, bien évidemment, on pourra lui reprocher de la froideur et une distance qui lui furent préjudiciables par moments, mais les britanniques, et au-delà, tous les membres du Commonwealth, lui étaient attachés.

Les anglais n’ont Balmoral, ce soir ; et leur peine est logique. Exit la Reine d’Angleterre, voici venir la Peine d’Angleterre.

Messieurs les Anglais, tirez les premiers, ce soir, vous avez la priorité…

Evidemment, on sentait que la nouvelle devait un jour ou l’autre arriver… Le décès du Prince Philip l’avait affecté, et l’on voyait qu’à l’occasion des fêtes de ses soixante-dix ans de règne, elle n’était déjà plus véritablement là…

Tout de même, plus de sept décennies sur le trône, c’était une constipation opiniâtre que même la nourriture anglaise ne pouvait décemment expliquer…

Une ère s’achève aujourd’hui. Loin de moi les grands mots et les phrases toutes faites, mais Elisabeth II force le respect. Tout simplement.

Et son fils, le désormais Roi Charles III, a une tâche ardue qui s’offre à lui. Imaginez un peu… Pendant soixante-treize ans à glandouiller entre parties de polo, soirées mondaines et cocktails onéreux, culbutage de divorcées et une roturière qui finit par s’emplafonner dans un tunnel parisien… Et puis là, paf ! un boulot en CDI à pourvoir immédiatement, sans préparation ni période d’essai. Comme quoi, les chômeurs ne doivent jamais désespérer…

J’en connais qui, en France, auraient déposé un préavis de grève pour moins que ça ! Mais que font les syndicats ?

Ce que l’on sait, c’est ce que font les chroniqueurs royaux chez nous… Ils écument tous les plateaux télé et studios de radio, portant à qui veut bien l’entendre leurs louanges faux-culs pour la Queen qui ne couine plus.

Le plus célèbre d’entre eux, Stéphane Bern, ne touche plus terre, pensez donc ! A la fois ravi de nous faire admirer sous toutes les coutures son brushing et désespéré de perdre son principal fond de commerce… Oui, ce soir, Stéphane est en Berne… Comprenez-le, il n’a pas une seule robe de deuil potable et il en a marre d’être en foncé…

Et je n’évoque même pas Jack Lang, qui vient faire admirer aux caméras son visage qu’on dirait essoré à grande vitesse mais pas repassé et sa teinture acajou métallique qui rend fou de rage François Hollande…

J’imagine que déjà, Jean-Vincent Placé et Manuel Valls saturent la boite vocale de Buckingham Palace en demandant si par hasard, une place ne viendrait pas de se libérer… « Heu… hello… Aille lissen date euh Kingue job woude bi fri ? »…

J’entends déjà Ségolène Royal rendre hommage à l’impressionnante discographie de la Queen, saluant des morceaux immarcescibles comme « Will will rock you » ou « Bohemian Rhapsody »…

Je remarque aussi la chance de cocue qu’a eu la nouvelle Première Ministre britannique, Liz Truss, de rencontrer la souveraine en début de semaine… A la limite de se demander si elle ne porterait pas un peu la poisse, la miss…

J’entends aussi Paddington réprimer à grande peine un sanglot, s’unissant aux corgis royaux…

Je visualise déjà le tweet de Sandrine Rousseau s’étranglant de la place venant de se libérer et déjà honteusement trustée par un mâle dominant, symbole de l’oppression masculine toute entière dévouée au barbecue triomphant…

J’entends d’ores et déjà Jean-Luc Mélenchon s’indigner de ne pas avoir été élu, braillant que la Reine d’Angleterre, c’est moi…

J’entends encore Michel Drucker, Neunœil de Montretout et Line Renaud rigoler sous cape en se disant qu’ils restent encore en course… La régate est serrée…

J’entends surtout cette peine immense, intérieure, émanant de toutes ces personnes pour qui Elisabeth II était en quelque sorte leur grand-mère commune, une granny au destin incroyable, la mémoire de l’histoire mondiale du vingtième siècle, déboussolés par sa disparition tant ils la pensaient enracinée à Windsor. Toutes ces personnes qui se sentent un peu en deuil ce soir, et qui s’interrogent sur le devenir du Royaume-Uni après elle…

Goodbye, Ma’am…